Earthlings par Lauren Plume
Aucun film ne m'a autant bouleversée.
Avant Earthlings, je vivais dans un gentil monde de bisounours. Bon, je savais qu'on tuait des animaux pour les manger ou pour les transformer en sacs à main, et ça c'est pas très gentil. Mais bon, y avait des lois, des règlements, on les faisait pas souffrir pour rien. Les éleveurs ils étaient gentils et à la fin ils versaient une petite larmichette. La souffrance, la vraie souffrance, la torture, l'indicible douleur, l'horreur, ça n'existait pas. On l'aurait pas permis. On était civilisés, tout de même.
Ce film fut comme un grand coup de pied au cul qui disait à mon moi intérieur du dedans du subconscient de moi-même: "non mais t'as cru quoi? Bienvenue dans le monde réel Néo, les animaux c'est des merdes, ils servent juste à faire du fric et à nous servir de hamburgers aux hormones et de paillassons, tant qu'ils rapportent du pognon on en a rien à branler de leur gueule, ils subissent tous les jours les pires trucs que tu peux imaginer, et bien plus encore, et d'ailleurs, si tu réfléchis avec ton petit cerveau jusque là inutilisé, les humains valent pas tellement mieux que ça dans la hiérachie, si c'était rentable de servir des burgers à la chair humaine, macdonalds le ferait".
Le monde est plein de souffrance. La plupart des gens me racontent que les animaux ne souffrent pas dans les abattoirs. Quelle conneries ! Earthlings te dit tout ce que tu ne veux pas savoir. C'est d'ailleurs pour ça que certaines personnes ne l'aiment pas. "c'est orienté", qu'ils disent. Ha oui, et TOUT ce que tu regardes à la téloche, TOUT ce que tu lis, TOUT ce que tu entends, c'est pas orienté peut-être? Earthlings est bien plus objectif que n'importe quelle publicité, et même que n'importe quel livre ou film sans rapport avec les animaux. Combien de fois j'ai lu ou entendu, ça et là, glissé dans une phrase quelconque, que les animaux "donnent leur viande"? C'est pas orienté, ça, peut-être? Earthlings dit la vérité à ce sujet: ils ne donnent pas, on leur prend. Les vaches ne donnent pas généreusement lait, on le leur prend après leur avoir arraché leur petit. Aucun animal ne donne sa viande, son lait, ses oeufs, sa peau. Même leur compagnie, ils ne la nous donnent pas toujours de leur plein gré. D'ailleurs, même nos sacro-saints chats et chiens subissent des sorts horribles. Ces animaux-là payent très lourd d'appartenir à des espèces dont nous apprécions la compagnie. Alors que dire de ceux dont nous apprécions la peau ou la chair?
Ca ne sert à rien de dire que Earthlings est orienté. Sinon à se protéger contre la vérité, et aussi contre soi-même, quand on a grandi dans cette culture où prendre la vie d'un être sensible est vécu comme une chose normale, naturelle et nécessaire, et qu'on n'arrive pas à remettre en question ce que c'est réellement, qu'on ne parvient pas à se dire que ce n'est peut-être pas si évident que ça, que peut-être il faudrait y réfléchir. Alors c'est sur, c'est plus confortable de mettre tout ça dans un coin de sa tête et de se dire que les chiffres sont surement pas bons, que les trucs complètement horrible qu'on voit dans ce film, c'est des "exceptions", que ça se passe pas vraiment comme ça... Mais, exceptions ou pas (et ce n'en sont pas !) ça existe, et même si une seule de ces scènes n'avait existé qu'une seule fois dans l'histoire, il faudrait déjà qu'on se remette en question. Pendant que j'écris, pendant que vous lisez, d'innombrabres horreurs se déroulent.
D'un côté, j'ai envie de dire qu'il ne faut pas regarder Earthlings sans être préparé à accepter des vérités qui dérangent.
D'un autre côté, je me dis que nous utilisons des animaux pour notre compagnie, nous mangeons leur chair, leurs sous-produits, nous portons leur peau, tous les jours nous utilisons les produits de leur souffrance, et pour la plupart d'entre nous, nous n'avons même pas le courage de regarder leur vie et leur mort en face. Ne serait-ce qu'avoir une vague idée de ce qu'ils subissent pour nos habitudes et notre confort, il faut voir Earthlings. C'est un devoir moral.
Dans le fond, la vérité ne peut pas être aussi dérangeante que le mensonge.