Edouard Louis relate les années qu'il a passées à Amiens, ville qui a accueilli le début de sa transformation. Nous parcourons la ville avec lui en nous arrêtant dans ses lieux de mémoire : l'internat où il ne jouait pas au foot et ne mangeait pas les légumes de la cantine, la salle de spectacle où il a travaillé et de laquelle il est sorti en pleine représentation d'Angels in America.... Simplement, sous la forme d'une discussion avec le réalisateur - entrecoupée de lectures d'extraits et de captations de pièces de théâtre - l'auteur fait part de ses souvenirs, parfois honteux, avec une sincérité désarmante. On retrouve dans ce documentaire les éléments centraux de son propos : la transformation, d'un milieu social à un autre, d'une personne attendue par d'autres à celle que l'on souhaite devenir. Ce film est un beau prolongement à la lecture de ses livres, et une très belle rencontre face à face.
Seul point d'incompréhension pour moi : si j'entends bien la portée politique de l'autobiographie, je ne saisis toutefois pas tout à fait le sens de sa proposition en fin de documentaire, de créer "un mouvement des gens qui ont changé, sur le modèle des luttes LGBT ou féministes" (je cite de mémoire, je peux me tromper). J'ai l'impression que cette formulation pourrait contribuer à la dilution de la lecture en termes de classes sociales, qui est pourtant centrale dans son propos... Je comprends la volonté de penser une forme d'intersectionnalité de la transformation, connue à la fois par les transfuges et des personnes queer, mais peut-être faut-il faire attention à ne pas faire de ce changement un mouvement directement applicable à la bourgeoisie, justement (à l'heure où le fait de se dire "transfuge" devient justement un discours commun dans les classes aisées) ? L'auteur a sans doute pensé ça bien mieux que moi, mais j'aurais voulu en savoir plus sur ce point dans le film.