Que dire, si ce n'est que ce film m'apporte à chaque visionnage, une sensation de plénitude devant la poésie décalée de Tim Burton, alors au sommet de son art.
Contexte d'avant film. Tim Burton, auréolé par le succès de son Batman, pouvait se permettre, sur son simple nom, de réaliser n'importe quel film, sur n'importe quel sujet. Les studios étaient d'accord à l'avance.
Il s'est alors lancé dans Edward scissorhands (Où la traduction française a trouvé de l'argent dans ces ciseaux ? Je m'interroge encore...).
Tom Cruise est pressenti pour le rôle, mais refuse le projet car il ne veut pas apparaître "défiguré". Se profile alors un certain Johnny Depp qui lui, ne souhaite qu'une chose, c'est casser son image de bôgoss adulé par la gente féminine.
Sur le papier déjà, c'est presque trop beau. Un jeune premier qui brûle de faire se preuves en tant qu'acteur dramatique, un réalisateur au sommet de son art qui peut se permettre n'importe quoi avec les bénédictions des studios, et en prime la copine d'alors du jeune premier, Winona Ryder !
Le conte de fée, tendance gothique, de Burton est un bijou de poésie, naïve et tourmentée, tarabiscotée et drôle, mélancolique et pleine d'espoirs contrariés...
Edward, reclus dans un manoir sombre et biscornu, est un "être artificiel", jamais terminé par son inventeur qui mourut avant de lui donner ses mains définitives. A la place, des ciseaux, coupants, tranchants. Asocial, il est finalement déniché par une habitante d'une jolie banlieue, bien américaine, bariolée et joyeuse dans son train-train quotidien parfaitement rôdé des hommes partant le matin au travail dans leurs petites voitures et les épouses animant une vie de quartier sage et bien normée, tout en gossipant à qui mieux mieux.
L'arrivée d'Edward va tout changer...
Edward Scissorhands, c'est un conte fustigeant le refus de la différence, pointant la peur de ce qui est inconnu une fois la première curiosité passée. C'est aussi la peur de ne pouvoir aimer et d'être aimé, le sentiment de handicap latent de celui qui se sent différend, incompris, de part sa perception du monde sans rapport avec la norme...
Edward Scissorhands, c'est la tolérance qui échoue et la haine, bête et méchante, qui triomphe pour le malheur de tous...
Les décors sont absolument géniaux, avec ce manoir gothique à souhait, immense et inquiétant, ces maisons de toutes les couleurs, ses haies bien rangées transformées en dinosaures.
Les acteurs sont tous excellents, avec en pièce maîtresse un Johnny Depp parfait, arrivant par sa seule attitude, engoncé dans son costume et son maquillage à retranscrire tout le mal être de son personnage qui a peur de croire à sa possible adaptation au monde...
Un mot, encore, sur la musique, cristalline, la plus belle jamais écrite par Danny Elfman, (si belle qu'elle sera réutilisée dans la bande annonce de Big Fish !). Violons et chœurs à l'unisson, chaque mélodie est un bijou d'orfèvre. Quand les notes de Ice Dance retentissent, alors que Winona Ryder danse sous les cristaux de glace, une petit larme d'émotion ne peut s'empêcher de jaillir, et pourtant, j'ai du voir ce film une bonne cinquantaine de fois...
Vous l'aurez certainement compris, c'est un film pour moi culte, absolu, d'une poésie qui n'a jamais cessé de me surprendre, encore et encore.