D'aussi loin que je me souvienne, Edward aux mains d'argent fut le premier film ayant sollicité mes glandes lacrymales, aussi son visionnage laissait craindre une rechute ; c'est donc armé d'une boîte de kleenex que je me suis lancé de nouveau au sein du loufoque quatrième long-métrage de Tim Burton, son plus personnel d'après lui.
Et effectivement, cet Edward Scissorhands semble bien être la quintessence de son cinéma, celui-ci compilant bien des thématiques fétiches sous des airs de conte noir comme comique ; son empreinte visuelle transpire le gothique en somme, tandis que l'on décèle une évidente satire à l'encontre de la société américaine, ici parfaitement couplé au contraste fantastique / réel introduit par son emblématique personnage.
Création originale de Burton qu'il scénarisa conjointement avec Caroline Thompson, Edward aux mains d'argent brille donc d'une fraîcheur de ton et originalité palpable, les déboires du jeune homme s'avérant aussi bien ficelées que captivantes ; semblable à un parcours initiatique, son immersion au sein d'un quartier résidentiel archétypal va apporter moult rebondissements, non sans instaurer une atmosphère en tous points particulière.
Drôle sans vraiment l'être, le long-métrage confronte un être extraordinaire au regard conformiste d'habitants d'abord fascinés, l'intéressement de la gente féminine des plus prononcés pouvant en attester, pour finalement virer au rejet le plus complet, de quoi mettre en exergue avec efficience l'effet pervers du commérage ou plus globalement de l'exclusion ; et si l'effet satirique n'est pas des plus fins, le modèle stéréotypé de la femme au foyer attendant le retour de l'homme, qui occupe ici une position plutôt passive en soi (rôle de gagne-pain sans véritable implication dans le récit), s'accorde franchement bien aux allures de conte d'Edward aux mains d'argent.
Telle La Belle et la Bête, l'histoire d'amour liant ce dernier à Kim se veut de plus touchante comme pas deux, Burton traitant de la chose avec une certaine justesse tout en soulignant à n'en plus finir la pureté de ses figures phares ; mon seul regret concerne toutefois les derniers instants du film, d'ultimes retrouvailles ayant pu parachever en ce sens toute l'émotion latente s'étant accumulée tout du long... pour une fois que je préparais le terrain, ce fut vain.
Pour le reste, Edward aux mains d'argent assoie sa légende au fil d'une BO géniale comme parfaitement accordée de Danny Elfman, et les décors/costumes farfelus servent au mieux une mise en scène sans anicroches ; et puis, comment ne pas citer la performance sensationnelle de Johnny Depp, celui-ci signant par la même occasion sa première collaboration avec Tim Burton, tandis que la galerie secondaire s'illustre d'une bien belle manière, l'envoûtante Winona Ryder en tête de file.
Bref, si la plupart des personnages revêtent un traitement caricatural pas forcément subtil, Edward aux mains d'argent s'en sert à bon escient en conférant à son atypique histoire une tournure moralisatrice non redondante, celle-ci n'éclipsant en rien la part fantastique du long-métrage ; de par cette formidable alchimie ce Burton s'avère donc prenant de A à Z, mais il ne lui aura manqué qu'un dernier sursaut affectif pour pleinement estomaquer.