La loi de l'oubli

Après la trilogie sur la dictature de Pinochet, on pourrait croire qu'avec "El club", Pablo Larrain s'éloignerait enfin de son obsession pour la dictature de Pinochet et s'attaquerait à une nouvelle institution, l'Eglise catholique. Oui mais non.
Pablo Larrain ne démord pas et s'attaque à loi de l'oubli et du silence.
Etat et Eglise ont tous deux organisé l'oubli forcé du passé : l'Etat a couvre ses militaires coupables de crimes de guerre avec les lois d'amnistie de 1978 et l'Eglise catholique couvre ses prêtres pédophiles en les cachant de la presse dans des petites maisons de retraite. Pablo Larrain a cerné les similitudes flagrantes entre ces deux institutions : idéologies basées sur l'identité nationale et sur des valeurs symboliques (la foie pour l'Eglise et la patrie pour l'Etat), le respect de la hiérarchie, la culture de l'apolitisme basée sur un dévouement à un leader charismatique (le Pape ou Pinochet), le rejet de l'individualisme et du communisme, idéologies européennes considérées inconciliables avec les cultures latinoaméricaines.
El club retrace la lutte désespérée des victimes qui ne peuvent que se transformer en martyres devant l'indifférence de leurs bourreaux car il n'y pas pire violence qui la violence niée. L'ambiance grise et sombre démontre l'anachronisme d'une institution qui n'arrive pas à s'adapter aux nouvelles sociétés démocratisées. En effet, si un "directeur spirituel" vient enquêter après le suicide de l'un des prêtres et semble enfin mettre au bagne ces violeurs et voleurs d'enfants, les mauvaises habitudes d'une institution ne changent pas à coup de trique. Le directeur spirituel tombe donc lui aussi naturellement dans la spirale des menaces et de la corruption. Tout ça pour dire que même si la dictature a disparue, la démocratie est un combat continuel des hommes justes.