Se réveiller au beau milieu des années 70 avec un coup de masse sur la caboche.
Le patchouli, les cheveux longs, c’est dégueulasse. Les fleurs, ça pue.
Et puis, flûte, on n’a pas le droit au bonheur, on n’est pas programmés pour.
C’est juste une lueur, plutôt floue, qui s’éteint quand on s’approche de trop près.
Quand ça te tombe sur le coin de la gueule sans que t’aies rien demandé, ça devient une évidence qui danse sous tes yeux.
Mais ça fait mal d’abord, ça donne des dents en sapin, une langue lourde, en cèdre rouge probablement, et une vraie haleine de scierie. (Et non pas de Syrien).
Le pouvoir des fleurs, Woodstock et sa vague de conneries adjacentes, faudrait être sourd, poser ses mains en remparts, pour pas voir le chaos.
Il fallait un anti-Easy Rider, réactionnaire sans doute, pour situer un semblant de vérité, juste entre les deux.
Ou juste pour déféquer dans la bouche de cette idéologie hirsute et bruyante, devenue majoritaire.
Une manière de chanter la liberté mais en restant du bon côté de la loi.
Revenir où Ford, John, celui qui n’avait qu’un œil, mais le bon, a voulu tout commencer.
Voir Monument Valley, ou son fantôme, se dessiner au loin, immense et toujours là, comme une promesse inaccessible.
Et puis l’Homme, parasite éternel, couille dans le potage par excellence, comme une cicatrice de goudron fumant, sous un soleil de plomb, qui déchire la pureté du désert en deux.
Comme un grain de sable.
Aux paysages de l’Amérique des pionniers fantasmés, Guercio ajoute un souffle mélancolique, filme son western sur pneumatiques et oppose à sa chronique le voile poisseux de la fin des illusions, celles qui collaient avant, comme du papier tue-mouche et qui maintenant, craquèlent l’idéal moral, le fissurent méthodiquement.
Un bout de ficelle, deux nœuds coulants, un sur le gros orteil, l’autre sur la gâchette d’un double canon, posé pile, sur le palpitant.
Le héros, c’est l’officier Wintergreen, motard de la police.
Lors du générique, il s’équipe, en gros plans, comme un chevalier des temps modernes.
Un blouson de cuir noir en cotte de mailles, le casque de moto en heaume, son revolver, un Colt Python 357, gainé dans un sombre holster, telle l’épée du héraut sans peurs et sans reproches.
Coyote motorisé, aux capacités intellectuelles limitées, et qui pourtant ou, plutôt, du coup, rêve de ranger sa Harley pour intégrer la brigade criminelle.
Un meurtre maquillé en suicide lui donnera l’occasion de chevaucher sa chimère.
Premier et unique film de James William Guercio, surtout connu pour son travail de musicien et producteur dans la pop américaine, «Electra Glide In Blue» est une œuvre ambiguë, le portrait d’un flic de base, rigide comme un priapique et pas plus grand qu’Alan Ladd.
Un film sur l'homme, à la beauté éclatante et à l’idéologie un brin extrême , éclairant le triste abysse entre les générations et jetant un voile gris sur un présent déjà plié par les mutations sociales, au bord du fossé de l’apocalypse qui s’annonce.
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