Chroniques du rêve anxiogène
Que feriez-vous si votre idole absolue de toujours venait vous voir un soir pour vous demander d'être complice d'un crime qu'il a commis ? De cette supposition amusante débute le film de Jeanne Herry.
La scène d'intro, joli numéro comique de Sandrine Kiberlain, semble pendant longtemps être à part du reste du film. Il pose pourtant un élément-clef à l'intérieur de ce dernier ; il sera totalement vain et même dangereux de vouloir faire de votre petite vie tranquille quelque chose de plus palpitant et de vous prendre pour ce que vous n'êtes pas.
Le film est en effet très ancré dans notre époque et notre société (d'ailleurs, la réalisatrice ne se prive pas de faire apparaître de vrais-faux numéros de Voici et de Closer ou d'organiser une vraie-fausse émission de Vivement Dimanche avec le vrai-faux Michel Drucker) et met très habilement en opposition deux éléments la composant ; d'une part, le rêve, le bonheur que peuvent nous apporter des choses comme la musique ou le cinéma et de l'autre, le climat anxiogène et stressant qui reste omniprésent. Le topo de départ du film est bien entendu la mise en oeuvre la plus évidente de cette opposition, de cette rencontre entre rêve et angoisse. Mais le film regorge d'autres éléments venant appuyer ce thème ; ainsi, le flic principal du film, à deux doigts de résoudre son enquête à laquelle plus personne ne croit, est stoppé net dans son élan en apprenant de la pire façon possible que la femme qu'il aime le trompe.
Elle l'adore aborde beaucoup (et parfois même un peu trop) d'autres thèmes très contemporains comme les rapports de pouvoir, l'instinct de survie dans les situations les plus compromises ou encore la mythomanie maladive, tout en restant relativement cohérent dans son propos.
Mais le film n'est pas seulement une observation maligne de notre société, c'est aussi tout simplement un bon thriller. Certes, ce n'est pas fait pour "être crédible" au sens propre du terme, n'empêche que toute la partie enquête policière est très bien menée, avec une excellente narration et des flash-back/flash-forward parfaitement maîtrisés, dévoilant les bonnes informations aux bons moments. J'ai d'ailleurs trouvé qu'il était dommage que le film se consacre autant à l'enquête policière. Il manquait sans doute quelques scènes qui auraient pu être d'avantage focalisées sur la déchéance du chanteur Vincent Lacroix (qui fait quand même furieusement penser à Patrick Bruel, au passage) qui voit son parfait petit monde s'écrouler petit à petit, mais aussi sur la détresse de Muriel, qui, en plus d'être une mère de famille divorcée tout ce qu'il y a de plus "normal" mise en garde à vue pour meurtre, voit l'image parfaite de son idole être de plus en plus compromise.
Avec Elle l'adore, je m'attendais au mieux à voir une comédie dramatique lorgnant vers le thriller plutôt sympathique et originale, rien de plus. C'est donc une très agréable surprise que de m'être retrouvé devant un film bien plus intéressant et riche qu'il n'y paraissait au premier abord.