Le droit dans l'oeil
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Road-movie ou course-poursuite ? Empouvoirement ou culture du viol ? Quel que soit le bout par lequel on approche le second opus de la saga Scorpion, le film semble se dérober, comme ses héroïnes, à toute forme d’incarnation d’une idée fixe. Ce scénario mêle les genres du WIP (women in prison) pour sa scène d’exposition, avec des péripéties aux airs d’action-auteur, empreintes des codes classique de la sexploitation sans pour autant tomber dans le pur pinku eiga. Par cet élan peut-être trop inspiré, Shunya Ito assoit toutefois la toute-puissance d’un cinéma de genre national nettement supérieur à ce que l’on peut trouver ailleurs, tout simplement parce que les limites sont questionnées plutôt qu’admirées avec une perversité malsaine (à ce sujet, lire la critique que fait Michel Foucault de Ilsa, la louve des SS, film du genre gesta-porn ayant en commun les codes du WIP avec notre film).
C’est avec un certain plaisir que l’on retrouve Scorpion, interprétée par une Meiko Kaji au regard foudroyant, aux apparitions systématiquement iconiques. Spectaculairement échappée d’une prison où elle était retenue et redevenue le symbole de la libération auprès des autres prisonnières violentées, voici venu le temps pour ces femmes de revenir à la vie d’avant. Mais peut-on réellement faire comme si rien a changé lorsque la domination saute aux yeux peu importe où on les pose ? Le dur destin de captive(s) conduit à la sororité, mise en scène par une sorte de complicité implicite, visible lorsqu’elles courent dans le sable ou la ville, mais surtout, lorsque la vieille femme fait basculer le récit dans une dimension mystique, justifiant leur recours à la violence, donnant raison à leur cause. Le mâle est partout (le même), et ces femmes le combattront collectivement, avec la classe et la conviction d’une Scorpion, impassible, tueuse de violeur en guise de boss final, dans une scène unique en son genre où un plan est découpé rapidement et à plusieurs reprises pour la faire venir au premier plan et (enfin) venir à bout du patriarcat.
Si l’érotisation des personnages d’Elle s’appelait Scorpion s’explique par la tradition du cinéma d’exploitation japonais des années 1970, force est de constater que cette recherche des corps sert un propos qui échappe à l’objectivation devenue norme au cours des décennies suivantes. Quoi que manquant un brin de développements personnels et singulier (la meute de femmes ne parvient pas à être quelque chose d’autre qu’un groupe anonyme), ces combattantes méritent d’être vues à l’oeuvre, rappelées dans une histoire du divertissement tendant à ériger la médiocrité comme norme. Le cinéma de genre regorge de personnages politiques et ambivalents susceptibles d’enrichir les imaginaires présents, autrement que par une volonté de représentation. Tout du long, ce film ne cesse d’interroger le recours à la violence : sexuelle tout d’abord, mais étatique également, envers la rébellion d’une minorité injustement traitée, cristallisée dans la figure d’une femme forte qui n’est pas sans rappeler Spartacus. Tâchons de ne pas l’oublier. Elle s’appelait Scorpion.
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Créée
le 29 nov. 2021
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