Baz Luhrmann. Je pourrais presque m'arrêter à ce nom pour ma critique tant on retrouve dans « Elvis » les qualités et défauts caractérisant depuis maintenant trois décennies le réalisateur australien, si ce n'est qu'il s'attaque pour la première fois ici à un biopic, pas franchement son créneau habituel. Quoique : le « King », c'est tellement le show, les paillettes, l'excès que s'il y a bien une personnalité à laquelle l'auteur de « Moulin Rouge » devait s'attaquer, c'était bien lui.
L'introduction séduit et inquiète à la fois : beaucoup d'agitations mais aussi une narration relativement originale qui annoncera en grande partie la suite, le récit étant souvent raconté à travers le regard du « colonel » Tom Parker, son très controversé impresario, auquel le récit donne une importance presque aussi grande qu'au chanteur.
Le reste apparaît plus classique, ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient : moins d'audace, mais aussi mieux pour apprécier le très gros travail de reconstitution, notamment à travers certains détails séduisants (notamment dans les accessoires, affiches etc.). Comme toujours, Luhrmann se lâche niveau visuel et « bling-bling », les couleurs explosant de toute part pour nous en mettre plein les yeux et ne pas nous faire regretter le déplacement en salles : « too much », sans doute, mais efficace.
Cela se regarde avec plaisir et sans aucun ennui près de 2h40 durant, apparaissant même presque trop court tant on a l'impression qu'il y avait encore beaucoup de choses à raconter (apprendre que la version Director's Cut durait quatre heures, intégrant notamment sa rencontre avec Richard Nixon, n'a ainsi rien d'étonnant) ou à approfondir.
Cette « fabrication d'une icône » n'en est pas moins intéressante, laissant apparaître un homme nettement plus tourmenté et aux idées moins conservatrices qu'on ne pourrait le croire aujourd'hui : intéressant de voir à quel point celui qui a embrasé la jeunesse américaine et provoqué l'ire des réactionnaires est devenue la figure la plus consensuelle qui soit aujourd'hui...
Autant de pistes partiellement exploitées par ce qui reste un biopic énergisant, notamment les scènes de concert (étonnamment peu nombreuses), aux plans ne dépassant jamais les cinq secondes, plutôt bien interprété : Austin Butler a le physique et la voix du « King » mais manque de présence, tandis que Tom Hanks livre une prestation complexe et assez inattendue sous l'imposant maquillage imposé. Après plusieurs passages à la télévision, la vie du chanteur, étonnante, méritait bien un passage sur grand écran, Baz Luhrmann pouvant au moins se vanter d'avoir réalisé un film à l'image de son héros.