Baz Luhrmann et Elvis Presley, deux noms qui a priori avaient peu de chance de me passionner.
Tout d'abord la figure de Baz, cinéaste dont je ne suis guère familier et dont les films que j'ai vu de lui vont à mon sens de vulgaire et insupportable (Gatsby le magnifique) à sympathique mais pas de quoi se relever la nuit (Moulin Rouge), puis l'icône Elvis Presley, dont finalement je connaissais que très peu de choses, dont la musique hors mis deux ou trois standards ne m'est pas plus familière que cela et que j'associe d'avantage aux 20 ans de mon paternel né dans les années 1930, bref ça sent le sapin, le rock est mort tout ça, tout ça. Bref c'était pas gagné.
Quelle claque ! Voilà c'est posé là sans embages, inutile de faire perdurer le suspens, j'ai adoré ce film du début à la fin.
Dès la scène d'introduction, le film m'attrape et ne me lache plus, son montage et son rythme frénétique me captivent, d'une créativité dingue, avec des idées à chaque plan, sans jamais toutefois tomber dans l'indigeste.
La partie musicale est exceptionnelle, qu'elle soit intradiégétique ou extradiégétique, elle est toujours pertinente, sert toujours le récit, soit dans une illustration sur le moment, soit dans ce qu'elle veut expliquer au spectateur d'aujourd'hui pour qui comme moi l'image d'Elvis est très floue, j'en veux pour preuve par exemple l'anachronisme de certains morceaux, ces mash-up, signature de Baz Luhrmann, qui nous aident à comprendre ce qu'a pu représenter pour la jeunesse d'alors cet artiste.
Tout est non seulement généreux, comme peut l'être le cinéma de Leos Carax, mais aussi utile et servant le propos.
Evidemment la prestation, l'incarnation de Austin Butler est époustouflante et il n'y a pas un instant où je n'ai pas cru au personnage, mais c'est l'incarnation du colonel Parker, dont j'ignorais totalement l'existence et son rôle dans la carrière d'Elvis qui m'a absolument sidéré, Tom Hanks qu'on peine à imaginer incarner un tel personnage aussi détestable est prodigieux, et en choisissant de raconter cette histoire populaire, qui fait partie de notre culture occidentale par son point de vue, le film prend un parti qui m'intéresse grandement.
Car en effet s'il ne fait aucun doute que cet impresario est plus proche de l'escroc patenté plus prompt à servir ses intérêts que ceux de son poulain, il a néanmoins ce panache qui le classe immédiatement parmi les grands maîtres de l'arnaque, ceux qui prennent des risques et dont les fruits, pourris d'accord, mais réels vont néanmoins aussi participer à l'essor d'un petit gars d'extraction modeste. Petit gars qui incarnera non seulement le star systeme, il est littéralement la première rock star, la première pop star, la première idole et tous ceux qui suivront ensuite ne feront que répéter cette définition post Elvis. Je suis désolé, mais je veux plus de "méchant" de cette trempe et de cette envergure dans mon cinéma, ce personnage est un délice de gourmet cinéphile.
J'ai aussi beaucoup apprécié qu'à aucun moment les aspects les plus sombres de la vie d'Elvis ne soient occultés, pas comme cet infect Bohemian Rhapsody, ils nous sont présentés sans s'y apensantir outre mesure, comme des axes de narrations qui existent et qu'on ne nie pas et qu'on ne juge pas, du moins pas le film, libre ensuite au spectateur d'y accorder du crédit ou pas. De même que la façon dont est traité l'héritage de la musique noire dans la musique d'Elvis Presley m'a plu, ne faisant pas de ce dernier un simple copieur qui pillera cet héritage culturel mais plutôt un relais, un passeur de témoin, dont le legs laissé par les grands noms du blues et du gospel afro-américain fait partie de lui intrinsèquement, viscéralement, car oui Elvis, tout blanc et WASP friendly qu'il soit n'incarne pas uniquement les moeurs près à exploser d'une Amérique conservatrice mais aussi l'idée alors nouvelle d'une Amérique réunie et qui ouvre la voie à la fin de la discrimination.
Il y a en particulier, une scène, ce n'est pas un spoil elle arrive assez tôt dans le film qui m'a particulièrement marquée, celle où Elvis enfant, découvre la musique noire et en particulier le gospel joué et chanté durant une cérémonie religieuse, j'étais séduit avant de la voir, je suis devenu enthousiaste ensuite.
Je suis sorti de ma séance ravi, enchanté, heureux, juste agacé que le Pathé Bellecour où je l'ai vu ait choisi de l'exploiter dans la salle ONYX, technologie d'écran LED qui me gâche le plaisir d'un film au cinéma, où par définition je ne vais pas pour voir un écran télé, même très grand.