High Cruel Musical
Un article récent du New York Times révèle une tendance récente dans les bandes annonces de films : on y cache autant que possible le fait que ce sont des comédies musicales : pour conjurer le flop...
le 21 août 2024
146 j'aime
17
Voir le film
Film entièrement tourné en studio. Pas le genre de film auquel j’adhère sur le Mexique et les narco-trafiquants, cependant j’ai été subjuguée, guettant le moment où je serais pleinement émue et je l’ai été à plusieurs reprises. Il s’agit de l’adaptation plus ou moins fidèle du roman de Boris Razon, intitulé « Écoute », que je tenterai de lire. Le film traite donc de l’enfer créé par les trafiquants de drogue au Mexique, de la violence liée à ce trafic, du transgenre d’un narco-trafiquant, Manitas del Monte, devenu femme, Émilia Pérez, afin d’échapper à son destin et de mettre sa famille à l’abri. Mais cela ne va pas être de tout repos pour lui, rattrapé par sa paternité, l’amour qu’il conserve à l’égard de ses enfants auxquels il ment et se fait passer pour leur Tata, dans le but d’être au plus près d’eux. Une phrase prononcée par l’un de ses enfants au moment du coucher m’a interpellée : « Tu sens comme papa », « Il te manque ?», lui répond Emilia/ la Tata. L’enfant continue en disant : « Il sentait comme les petites pierres au soleil », Emilia est émue, nous aussi. Le film parle d’argent sale et de repentis, prêts à suivre Emilia dans son combat contre les cartels et les centaines de milliers de morts. On saisit très bien qu’elle ressent ce que les femmes ressentent, puisqu’elle en est devenue une. Elle perçoit différemment la violence des hommes après être devenue femme. Le côté « féministe » est mis en évidence avec frénésie et musique rythmée. La tristesse, le basculement de vie de son ex, Camélia est également souligné. Elle aimait son mari qu’elle pense être mort et pallie du mieux qu’elle peut à son absence. Elle va finir par refaire sa vie, après 5 années de solitude et se confie à Emilia, à propos de son mari, sans bien entendu, savoir que cette Tata là est en fait son ex mari, devenu transgenre. Ce dernier, devenu Émilia Pérez, réussit à cacher son identité, bien transformé, jusqu’à ce que Camélia lui annonce qu’elle va se remarier et partir vivre avec son nouveau mari et les enfants. À partir de là, la violence monte crescendo, entre le duo. Émilia se fait enlever. On saura par qui au fil du film. Une affaire de rançon, de fric, toujours pour conserver un niveau de vie créé par le trafic et train de vie d’avant, lorsque le couple Camélia/Manitas, vivait ensemble. Une scène cruciale éclate entre la fameuse Tata et Manitas à propos du départ des enfants. Il se trouve qu’Émilia est heureuse pour Camélia (hormis pour l’éloignement des enfants), vu qu’elle a rencontré Epifania et en est tombée amoureuse (amour réciproque). « Quiero esi com soy » chante Camélia, lors d’un karaoke avec son nouveau compagnon. Emilia moitié papa, moitié maman, moitié amoureuse moitié là bas, moitié ici, réussit à tout conjuguer, rendant pas mal de gens heureux (après en avoir rendu pas mal malheureux), y compris son entourage, ainsi que l’avocate qui l’a tirée d’un mauvais pas. Mais c’était sans connaître l’inlassable guerre des cartels, aux méthodes musclées, usant de violence, armes à la main, prêts à tout pour toucher le pactole. Et donc Émilia est enlevée, mutilée et ne reviendra pas voir ses enfants, lesquels deviendront orphelins de mère et père. L’avocate s’occupera d’eux. Procession grandiose pour vénérer en chantant, celle qui ne reviendra plus. Le film a réussi à me cueillir à plusieurs reprises ! Belle interprétation des 4 actrices, à savoir : Karla Sofia Gascón époustouflante en Emilia Pérez, Selena Gomez en Jessica, Adriana Paz en Epifania et Zoe Saldana en Rita Moro Castro, l’avocate qui, au départ fait partie d’un cabinet prêt à blanchir l’argent, mais va changer et aider le chef du cartel, Manitas à échafauder son plan, devenir femme, non sans mal et sans dommages collatéraux. Sinon, Karla Sofia a été difficile à trouver et joue très bien au final. Et il est important de savoir que Karla vit toujours avec la mère et sa fille, dans la vraie vie, après avoir passé des années de souffrance dans un corps quelle ne reconnaissait pas comme étant le sien. Le fond est intéressant et la forme inhabituelle, alternant, entre chants, composition musicale pour «taper du poing sur la table», est pour le moins originale et du jamais vu. Cela donne au film, une dimension tragique et «coup de poing» sur la situation politique du Mexique. Les «femmes» pourraient-elles changer la donne? Et faire stopper la violence à leur égard? Prix du jury à Cannes 2024 mérité ainsi que prix d’interprétation féminine pour l’ensemble des 4 actrices principales du film, largement mérité. À voir ! Il ne me reste plus qu’à lire «Écoute» le roman de Boris Razon, paru en 2018, aux éditions Stock.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2024
Créée
le 21 août 2024
Critique lue 84 fois
2 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Emilia Pérez
Un article récent du New York Times révèle une tendance récente dans les bandes annonces de films : on y cache autant que possible le fait que ce sont des comédies musicales : pour conjurer le flop...
le 21 août 2024
146 j'aime
17
...prends-nous pour des cons.(Ça a l'air de marcher...) _Putain, je n'étais tellement pas prêt.J'avais juste entendu les retours positifs aux lendemains des résultats de Cannes 2024. Ça m'a rendu...
le 28 août 2024
77 j'aime
72
Un Audiard qui a beaucoup de cœur pour son sujet, et dont le prix d'interprétation féminine nous ravit plus qu'amplement pour les actrices talentueuses (on dit bien "les actrices", car on ne fait pas...
Par
le 29 mai 2024
35 j'aime
Du même critique
Premier long d’une femme réalisatrice, laquelle ne fait pas dans la dentelle. L’on attendait enfin, un film indien, dénonçant la culture du viol. Sandhuya Suri n’y va pas de mains mortes. Santosh,...
Par
le 12 août 2024
7 j'aime
Captivant de bout en bout avec malgré tout, pas mal d’incohérences, voire d’invraisemblances relatives au système judiciaire américain. Des jurés vérifient l’entièreté du déroulement des faits, faute...
Par
le 8 nov. 2024
6 j'aime
3
Très difficile de réaliser un biopic sur Charles Aznavour, et pourtant Grand Corps Malade et Mehdi Idir ont relevé le défi avec brio. Tahar Rahim a étudié la gestuelle, le comportement de Charles et...
Par
le 24 oct. 2024
6 j'aime
5