High Cruel Musical
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le 21 août 2024
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Alors que les ayatollahs du wokisme - idéologie victimaire qui attribue des points de vertu selon le degré d’oppression supposé, déterminé d’après l’identité des individus - opère actuellement au sein des rangs de la gauche des purges que n’auraient pas renié Staline, les grands auteurs de l’élite cinématographique tentent de s’en approprier maladroitement les oripeaux. Cette fois-ci c’est Jacques Audiard qui s’y colle. Il est regrettable qu’en tant que mâle-blanc-hétéro-cis-genre il n’ait pas profité de cette occasion, en tant que preuve de bonne volonté, de laisser le soin de la réalisation à un véritable représentant de la diversité qu’il est de bon ton d’accueillir sur les marches du festival de Cannes !
Mexique, époque contemporaine. Rita Moro Castro agacée de servir de prête-plume à un avocat (évidemment incompétent) défendant un auteur de féminicide, accepte la proposition financière de Manitas del Monte (le chef d’un cartel qui sévit dans le Nord) qui la missionne secrètement pour lui trouver un chirurgien esthétique aux mains d’or capable d’effacer de son corps tout caractère physique masculin et d’y greffer des attributs féminins.
Passé la surprise de cet argument qui prête à sourire, il est bien difficile durant tout le film d’accorder la moindre once d’empathie pour un chef de cartel qui espère faire table rase du passé à coup de bistouri.
Ceci n’est pas aidé par l’écriture cruellement creuse et insipide du scénario. Les personnages y sont pour la plupart introduits de manière superficielle, et les relations qu’ils entretiennent entre eux sont à peine ébauchées : il en découle une absence criante de tension dramatique dans les scènes du film. J’en veux pour preuve le personnage de Jessi qui est introduit en l’espace d’une dizaine de seconde, puis qui est allègrement déposé au placard au premier tiers du film et qui réapparaît à la moitié du film comme si rien ne s’était passé dans l’intervalle de ses deux apparitions. On pourrait en dire autant d’Epifania et de Gustavo. N’y avait-il vraiment aucun moyen de faire passer au montage une chanson sur l’idylle entre Emilia et Epifania ?
Ce qui est terriblement décevant c’est que le film avait un réel potentiel dans son exécution. J’aurais été curieux de voir le traitement qu’en aurait fait Almodovar, Cronenberg ou encore Lynch. La mise en scène, l’écriture et le montage contribue à faire du film un petit train tranquille. On esquisse à peine un sourcil lorsqu’Epifania entre dans le bureau d’Emilia avec un couteau. Afin de ressentir le malaise de la situation, l’expérience du film aurait bénéficié d’accentuer sur l’incongruité profonde de ce qui se déroule, ce que je reconnais au moins au dernier long-métrage de Lanthimos.
Pour continuer sur la forme, je me suis demandé à plusieurs reprises qu’elle était la plus-value de faire de cette œuvre une comédie-musicale. En premier lieu, il est navrant de constater la platitude des paroles qui sont plus triviales les unes que les autres, à l’exception peut-être de la chanson finale mais nous y reviendrons. En second lieu, j’ai trouvé la musique peu inspirée : pas le moindre morceau de bravoure, pas de mélodie entêtante, pas de leitmotif mémorable. Enfin, si l’on compare avec des comédies musicales comme Disney en produisait dans les années 90, on peut constater que les chansons n’apportent aucune plus-value vis-à-vis d’une scène parlée, ce qui est pourtant l’essence même d’une comédie musicale. Allez revoir Annette : vous comprendrez exactement de quoi je parle.
Premièrement, le scénario illustre selon moi à merveille les résultats de l’idéologie woke. Alors que les féministes (représentées par Rita) se battent pour que soit reconnu le mérite de toutes les femmes - la sororité - vis-à-vis des hommes qui s’attribuent leur travail (l’avocat véreux), les féministes finissent par défendre les femmes-trans (Emilia Perez), qui vont ensuite s’attribuer leurs luttes (la recherche des corps disparus) alors qu’elles se sont « contentées » d’effectuer une opération chirurgicale et n’ont jamais eu à vivre toute leur vie avec l’adversité qu’ont rencontré les femmes.
Deuxièmement, je ne peux m’empêcher de réagir à la scène finale qui représente sans aucune distance narrative une procession accompagnant ce qu’on devine être la dépouille d’Emilia Perez. Je trouve en effet immoral que l’ancien chef de cartel soit honoré ainsi alors qu’à aucun moment il ne demande pardon pour ses victimes. Il regrette parce qu'il n'a pas vu ses enfants pendant 4 ans, mais ne présente aucune excuse. Il tente de se racheter en finançant une ONG qui vise à rechercher les corps des disparus. Néanmoins, ses motivations apparaissent avant tout comme narcissique car il se met en avant partout. Il aurait été réellement moral de « faire le bien » sans en faire étalage devant tout le monde pour obtenir une validation, sachant qu’il n’a jamais obtenu le pardon des familles de victimes. Le loup est resté un loup comme aurai dit le chirurgien israëlien.
Pour élargir ma réflexion je dirai qu'il est véritablement indécent de représenter le peuple mexicain qui souffre authentiquement du trafic des drogues louer symboliquement le chef de cartel qui s’est « caché » en devenant une femme-trans. Les gens qui souffrent de la violence induite par toute forme de trafic et en particulier des drogues sont généralement les plus défavorisés. Mais si ce genre de trafic prospère c’est qu’il existe un marché dans les sociétés occidentales qui fait abonder les devises dans cette économie interlope. Les médias populaires ont contribué à la banalisation de la consommation de stupéfiant, et toutes les strates de la société sont touchées ; en dépit des conséquences connues tant humaines, que sanitaires et financières que les drogues font penser sur la société. Le trafic de drogue prospère sur les vices des citoyens, mais ceux qui n’ont pas moyen de vivre ailleurs que là où se déroulent les trafics en pâtissent le plus. L’amélioration de leur condition d’existence ne peut passer que par des décisions sanitaires à la hauteur du désastre, mais il est peut probable que les élites qui en goûte les « bénéfices » sans en voir les conséquences y mettent les moyens.
C’est donc avec amertume que l’on peut voir Audiard faire suivre le cortège de l’ancien chef de cartel par le peuple du Mexique sous le joug d’un narco-état corrompu à tous les niveaux. Chez nous, Marseille est une ville perdue au trafiquant. L’évasion de Mohamed Amra compte parmi les prémices de ce processus. Si aucune volonté ferme n’émerge du ministère de la santé et de l’intérieur, c’est toute la France qui risque de devenir dans cet état dans les décennies qui viennent.
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Créée
le 4 sept. 2024
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