La Santa Muerte

Cet avis est expéditif, c'était censé être un commentaire sous ma note mais il est devenu un peu trop gros alors je le transforme en critique, désolé pour la forme brute qui en résulte. Il y a quelques descriptions de moments de l'intrigue, certains pourraient considérer ça comme de petits spoilers, je vous avoue que j'ai écrit ça surtout à destination des gens qui ont vu le film.

Emilia Perez, comédie musicale sur une avocate qui doit aider une cheffe trans de cartel bien violent à changer de sexe et quitter le métier au passage. Le mélange de genre et de sujet qui interroge forcément, d'autant plus pour du Jacques Audiard. C'est pas mal clinquant avec des numéros de chants qui ont parfois des gueules de clips mtv et des scènes qui peuvent plonger dans le ridicule (Epifanía, personnage plutôt inutile dont le seul nom est d'une symbolique bien lourde, et dont la scène d'apparition donne l'impression qu'on va limite remercier la gangster pour ses massacres).

Mais d'un côté c'est vraiment un film sur les faux semblants, bien plus que sur la transition qui occupe la 1ère moitié avant d'être mise de côté une fois la transformation terminée. Les premières chansons sont là pour mettre en avant le cirque, que ce soit judiciaire avec ses plaidoiries lyriques et hypocrites, ou bien avec la présentation des chirurgies plastiques façon émission de télé de relooking. Quand les gosses d'Emilia Perez réclament de retourner au ski alors qu'ils ne sont plus dans le bon pays pour ça, et que ce qu'ils obtiennent c'est une borne d'arcade de ski qu'ils font mine d'aimer, on sent quand même qu'il y a un truc à dire sur cette fake famille parfaite qui vit dans le mensonge. La rédemption de la cheffe de cartel, c'est pareil pour moi : j'y crois pas du tout, mais je ne sais pas si c'est de la naïveté de la part de Jacques Audiard ou si cette dose de sucre est là pour appuyer l'ironie de voir Emilia Perez présentée comme une sainte. J'ai lu un avis parler de twists de telenovela, je ne connais pas assez le genre pour l'invoquer ainsi mais c'est vrai qu'il y a un aspect de feuilleton télé cheap un peu absurde, surtout dans son dernier acte au niveau scénaristique. J'ai le sentiment de voir une sorte de satire qui s'assume difficilement, trop de scènes me paraissent entièrement 1er degré dans leur représentation de la libération ou du regret d'Emilia.

Par contre les numéros musicaux c'est... inégal. Il y en a que j'aime bien, qui dégagent une bonne énergie et ont de vrais mérites narratifs, que ce soit pour mettre en valeur cet aspect de cirque dont je parlais ou pour faire exploser les émotions fortes que certaines répriment en elles, big up à Selena Gomez. Mais d'autres sont bien plus mièvres et dès que ça chante en anglais je me rends tout de suite mieux compte que ça ne sait pas toujours chanter. Le parti-pris me paraît donc pertinent, mais de manière occasionnelle.

On obtient un film qui fonce partout, dont je n'arrive jamais à savoir s'il fait son Showgirls ou s'il s'est juste cassé la gueule et a camouflé ça par son monde bizarre. Vraiment j'en suis sorti sans trop savoir qu'en penser. Ma note est assez random, j'ai trop de mal à cerner le projet de Jacques Audiard pour donner un avis "définitif", mais il m'a donné envie d'y repenser et il a l'avantage de ne pas être fade, donc je vais quand même au-dessus de la moyenne.