Il y a un demi-siècle sortait Emmanuelle de Just Jaeckin. Ce film raconte les pérégrinations sexuelles d'une épouse de diplomate qui n'attend même pas d'être arrivée à Bangkok, dans le but de rejoindre son mari, pour se taper une bonne partie des humains qu'elle croise, quand elle ne se masturbe pas. En fait, le scénario, c'est juste cela, quelques morceaux d'érotisme cheap (non, non, ne vous inquiétez pas, je ne me suis pas trompé de fiche, je vais évoquer la version 2024 un peu plus loin, patience !).
Bon, il y a bien la présence, dans la distribution, d'Alain Cuny, acteur au fort CV théâtreux, qui donnait tout le temps l'impression d'avoir englouti dix tubes de Lexomil, pour servir de caution intellectuelle à deux balles (et, peut-être, aussi pour troller sur son nom !), quelques images semblant être là pour servir le ministère du tourisme de la Thaïlande, quelques accents moisis de relent colonialiste (même si la Thaïlande n'a jamais été colonisée, mais bon, dans l'esprit français de l'époque, asiatique était forcément égal à inférieur colonisé !). Mais si on retire tous ces minces oripeaux, ce film est uniquement du vide, ne se distinguant pas du téléfilm érotique moyen, passant sur M6, en deuxième ou troisième partie de soirée, sur lequel on tombait comme de par hasard (ceux qui ont vécu, soit en tant qu'adulte, soit en tant qu'ado boutonneux, dans les années 1990, tout début des années 2000, comprendront !).
Mais, au moins, cette œuvre, aussi pourrie soit-elle, outre celle d'être un témoignage de la mentalité de son époque (lors de laquelle tenir compte du fait que la demoiselle soit pleinement OK pour baiser n'était pas la norme !), avait une raison d'être, à savoir permettre au mâle moyen des années 1970, n'ayant pas la possibilité de se foutre autre chose dans le slibard, de combler ses envies onanistes, tout en se donnant l'illusion d'être un rebelle qui pourfend la droite catho (cette dernière ne s'étant pas gênée non plus pour ce qui était de se rincer l'œil, tout en poussant hypocritement des cris d'orfraie !).
C'est pour cela que quand j'avais appris la mise en chantier d'une nouvelle version, j'étais dubitatif. Mais étant donné que la cinéaste Audrey Diwan avait réalisé un de mes gros coups de cœur de ces dernières années, avec L'Événement, je m'étais dit que cette personne, loin d'être dénuée de talent, pouvait dégager un véritable discours de fond, une véritable réactualisation, une véritable déconstruction des poncifs du genre érotique, une véritable interrogation avec des thématiques féministes à l'ère #MeToo. J'attendais de voir. Et j'ai vu, je suis venu, je n'aurais pas dû...
Ce film raconte les pérégrinations sexuelles d'Emmanuelle, célibataire qui n'attend même pas d'être arrivée à Hong-Kong, pour son travail (ouais, le fait qu'elle soit salariée célibataire est pour faire style le film a un discours de fond féministe, alors que cet élément est traité aussi superficiellement que tout le reste... cela constitue seulement un prétexte pour qu'elle aille déambuler dans les couloirs d'un palace à la recherche de plans cul !), pour se taper une bonne partie des humains qu'elle croise, quand elle ne se masturbe pas. En fait, le scénario, c'est juste cela, quelques morceaux d'érotisme cheap bien clichés, se contentant de reproduire ce qui a été fait des milliards de fois auparavant dans le genre. Et ne me sortez pas l'argument de la supposée nouveauté que le protagoniste ne prend pas son pied, dans un premier temps, lors de ses rapports sexuels, car la satisfaction du désir féminin aussi a été abordée des milliards de fois auparavant, y compris, bien sûr, dans le genre de l'érotisme. Quant à la notion de consentement, il y a une bonne palanquée de longs-métrages qui ont traité ce sujet, avec profondeur et émotion, EUX, tout en captivant le spectateur, pas en l'endormant.
Bon, il y a bien la présence de Naomi Watts, actrice qui a tourné avec David Lynch, Alejandro González Iñárritu, David Cronenberg, Peter Jackson et qui a été nommé à deux reprises pour l'Oscar, ainsi qu'une BO somnolente, avec du violon et du piano, un rythme qui l'est tout autant, des références sans le moindre approfondissement aux Hauts de Hurlevent, placées au petit bonheur la chance, quelques dialogues aussi inutiles qu'abscons ; tout ça pour apporter une caution intellectuelle à deux balles. Les quelques accents de relent colonialiste ne sont pas oubliés avec les Asiatiques qui ne sont là que pour servir les blancs ou que comme touches exotiques bien mystérieuses. Mais si on retire tous ces minces oripeaux, ce film est uniquement du vide, ne se distinguant guère du téléfilm érotique moyen, passant sur M6, en deuxième ou troisième soirée, sur lequel on tombait comme de par hasard, ou de toutes les merdes cinématographiques antérieures pondues dans les seventies (à l'instar d'Emmanuelle 1974, évidemment !).
Certes, la photographie, les décors, les costumes sont soignés. Mais à quoi bon ? En effet, le rendu esthétique global est équivalent à celui d'un roman-photo, aussi vivant que du papier glacé.
Et ce n'est en rien arrangé par des personnages sans la moindre consistance (les secondaires sont même carrément inexistants !), monolithiques, qui s'expriment constamment comme une IA (pour la sensualité, le trouble, ne serait-ce que l'humain, on repassera !), à l'image de leur corps qui a la capacité de ne jamais transpirer, d'être toujours propre (même quand le protagoniste féminin se lave ou se rase des parties du corps qui, pour la plupart, n'ont pas besoin d'être rasées parce qu'il n'y a pas le plus minuscule petit poil !). D'après la légende, ils ne font même pas popo.
C'est vraiment triste de voir Noémie Merlant, comédienne charismatique, habituellement talentueuse, se fourvoyer là-dedans. J'espère la revoir très vite dans des rôles (et des films !) à sa hauteur.
Bref, cette nouvelle monture n'exprime rien, n'apporte rien, ne sert à rien. À l'heure d'Internet, où on a accès à tout ce qu'il faut pour calmer sa courgette ou son abricot, ces pitoyables moments d'érotisme (parce que ce navet prétentieux se résume concrètement qu'à cela !) sont aussi assommants que dérisoires.