Avant toute chose, je dois avouer que je ne suis pas familier des œuvres de William Shakespeare à l’écrit même si je lui reconnais le statut de grand dramaturge. Néanmoins, comme tout le monde, il est impossible de passer à côté des adaptations cinématographiques de Romeo et Juliette, Hamlet ou Macbeth.
Mais Coriolanus (titre original), je ne connaissais pas. Et là encore, le cinéma permet de se mettre à jour. Je connaissais l’existence du film réalisé par Ralph Fiennes en 2011, certaines images étaient assez alléchantes pour attiser ma curiosité, mais certaines critiques m’avaient refroidi. Je profite donc de cette pauvre rentrée cinématographique pour me mettre à jour. Mon avis en quelques mots ? Bon, mais peut mieux faire.
Ce qui marque avant tout, c’est l’implication du réalisateur/acteur Ralph Fiennes dans la peau du général Coriolan. Autoritaire, paroxystique, homme d’honneur et personnalité ambigüe, fascinante et repoussante à la fois que l’acteur arrive parfaitement à retranscrire lors de joutes verbales absolument jouissives. On notera aussi la prestation de Brian Cox, une fois de plus impeccable dans le rôle du sénateur Menenius qui se retrouve dans une situation pour le moins complexe (Sauver Rome sans trahir Coriolan).
L’idée de transposer la tragédie shakespearienne dans un univers moderne comme l’avait fait Baz Luhrmann pour Romeo+Juliet n’est pas mauvaise. Le Cinéma permet justement ces univers parallèles et permet ainsi de rendre compte du récit intemporel des œuvres de Shakespeare. Dans Coriolan, il nous parle bien là des Hommes et de la relation qu’ils entretiennent avec la nature du pouvoir mais aussi des travers de la démocratie. Au final, rien n’a changé n’est-ce pas ?
Le hic, c’est que si Ralph Fiennes a incontestablement les épaules pour interpréter l’ambigu Coriolan, il est moins apte à apporter une vision adaptée à ce magnifique personnage. Je ne parle pas là de direction artistique qui est plutôt soignée, oscillant entre le confort matériel de la bourgeoisie des costumes cravates et la robustesse des hommes d’honneur. Non, ici, il est plutôt question de parti pris que le réalisateur/acteur n’ose jamais prendre. Or, lorsque l’on a des personnages hors normes, il est important d’épouser leur point de vue afin de rendre compte de leur incroyable propension à galvaniser les foules. Ici, le Ralph Fiennes réalisateur se pose plus en témoin, refusant de condamner la perfidie des deux tribuns (Sicinius et Brutus) et de mettre en avant l’homme d’honneur qu’est Coriolan. Ainsi, il est bien plus comédien que réel réalisateur. Durant tout le film, on a alors cette impression que Ralph Fiennes aime plus la pièce de Shakespeare que son personnage. Et c’est là, la grande erreur du film. Il passe ainsi à côté d’un monument barbare et guerrier qu’aurait pu accoucher une telle adaptation sur un tel personnage élevé par la guerre, nourri par la guerre, aiguisant un sens moral à toute épreuve, incorruptible et honnête que paradoxalement la démocratie aura blessé par son hypocrisie et tout cela pour l’amour et le regard d’une mère qui le mènera jusqu’à sa perte. Indéniablement shakespearien, mais hélas maladroitement mis en scène. Dommage.