Nous sommes à Rome,de nos jours,en pleine crise politique et économique.Le peuple affamé commence à se révolter et l'armée volsque,commandée par Aufidius,tente d'envahir le pays.Mais le général Coriolan,chef de l'armée romaine,défait l'ennemi et rentre à Rome en héros.Il doit être proclamé consul dans la foulée,mais un complot des sénateurs aboutit à son bannissement.Ecoeuré,il rejoint Aufidius et s'allie à lui pour attaquer les romains.Fort de ses talents de stratège et de sa parfaite connaissance des forces et des faiblesses de son ancienne armée,il ne tarde pas à arriver aux portes de la cité à la tête des troupes volsques.Voici le premier film réalisé par l'acteur Ralph Fiennes,sur un scénario de John Logan adaptant une pièce de William Shakespeare,Fiennes et Logan en étant les producteurs.Ce "Coriolanus" rappelle fortement le "Titus" réalisé en 99 par Julie Taymor,mais lui est nettement inférieur.Les deux films sont tirés de pièces méconnues de Shakespeare narrant les déboires de généraux romains ourdissant leur vengeance,et les deux oeuvres sont transposées à l'époque contemporaine.Mais là où Taymor utilisait l'anachronisme pour styliser son film et en faire une oeuvre à la temporalité mal définie,prétexte à une évocation de l'imagerie fasciste mussolinienne,Fiennes se contente de placer ses personnages dans un environnement actuel sans que ça ait d'autre intérêt que d'effectuer des économies,étant donné qu'il est moins onéreux d'habiller ses comédiens comme s'ils allaient faire du shopping au supermarché que de leur procurer des jupettes,des spartiates,des armures et des casques dorés.Tout le film est ainsi limité par son faible budget.C'est tourné en Serbie et au Montenegro,où les coûts sont moindres,avec beaucoup d'acteurs et de techniciens locaux,ça manque de figuration et de décors,et Ralph filme serré la plupart du temps,ne se ruinant pas en mouvements d'appareils.Du reste,sa mise en scène est étriquée ,lente et souvent même figée.Ce qu'il nous propose au final,c'est du théâtre filmé,impression renforcée par les dialogues issus du texte original,qui n'ont donc eux pas été modernisés.Ceci dit,la pièce est foutrement bien écrite et la puissance de Shakespeare emporte l'adhésion.L'ami Willy nous parle de manière visionnaire de la politique,ou plutôt de l'impossibilité de la politique,à travers une oeuvre rédigée au début du 17e siècle,une époque où seule la monarchie prévalait.Coriolan symbolise le régime autoritaire.C'est un militaire psychorigide assez effrayant,persuadé d'appartenir à une classe supérieure,qui déteste et méprise le peuple,et pire le fait savoir haut et fort,ce qui n'est pas très adroit politiquement.Il est certain qu'avec lui les libertés publiques ne seraient pas une priorité.Mais Shakespeare n'épargne personne et le peuple en prend aussi pour son grade.Stupide,versatile,incapable de s'assumer,toujours prête à suivre un quelconque homme providentiel,la foule est manipulable à loisir et n'écoute que ce qu'elle a envie d'entendre.Entre ces deux pôles très opposés se dresse la démocratie,invention bourgeoise faussement sociale qui est ici symbolisée par une paire de sénateurs démagogues aux allures de bonimenteurs de foire uniquement préoccupés par la sauvegarde de leurs prébendes.Ils sont soutenus par l'équivalent de l'extrême-gauche,des militants pseudo révolutionnaires issus du peuple qui tiennent la rue,éternels idiots utiles du système.Ce portrait en coupe du milieu politique est pessimiste mais saisissant de lucidité.On a pour le même prix une analyse psychologique du dictateur en mouvement.Coriolan n'est pas né tyrannique,il l'est devenu,et c'est là qu'intervient le personnage crucial de la mère.Cette veuve a élevé son fils dans le culte de l'honneur et des armes.C'est elle qui lui a imposé une ambition qui n'était pas la sienne et qu'elle vit par procuration,elle qui l'envoie dans le mur en l'obligeant à infléchir sa nature par calcul politique,elle encore qui l'empêchera de réaliser son destin parce qu'il est sur le point d'y parvenir en édictant ses propres règles,qui ne sont pas celles de la vieille carne,qui n'hésitera pas in fine à le sacrifier sur l'autel de ses principes plus intangibles que ceux de son fils.Car Coriolan,la bête de guerre,l'homme inébranlable,n'est au fond qu'une marionnette,le fils soumis à sa maman à qui il est incapable de résister.Sa mère régente sa vie,et même celle de sa belle-fille effacée.D'ailleurs,Aufidius ne se fera pas faute de le reprocher à son allié et de se moquer cruellement de lui à ce sujet,provoquant sa colère impuissante.Le film bénéficie d'un casting brillant,emmené par un Fiennes minéral,très investi dans son rôle.Gerard Butler est charismatique à point en meilleur ennemi,alors que Vanessa Redgrave en impose en mère toxique.Jessica Chastain écope d'un rôle peu valorisant qu'elle tient consciencieusement et compense avec sa jolie frimousse.Brian Cox est formidable,mais il l'est toujours,en politicien réaliste,tout comme James Nesbitt en sénateur félon visqueux à souhait.Lubna Azabal fait montre d'un naturel inquiétant en pasionaria gauchiste allumée et éructante,alors qu'Ashraf Barhom est une fois de plus remarquable en gaucho raisonnable et indécis.