Elio Petri signe ici une charge politique virulente contre la police italienne des années 70, institution autoritariste et répressive nichée au cœur de la République. La police se voit ici incarnée par l'immense Gian Maria Volontè, qui livre l'une de ses (peut-être sa) meilleure performance dans le rôle d'un flic sans nom, d'abord chef de la section homicide puis commandant du bureau politique au siège de la police de Rome.
La première force du métrage est de nous faire vivre l'intégralité de son intrigue collé aux basques de ce personnage ivre de d'autorité, de pouvoir, disons-le carrément, un fasciste. Un homme qui se pense tellement au dessus des lois qu'il décide d'assassiner son amante (incarnée par Florinda Bolkan), un meurtre qu'il conçoit comme un jeu pervers visant à démontrer qu'il se place définitivement "au-dessus de tout soupçon".
Entre suivi de l'enquête qu'il dirige lui-même, et flashbacks montrant sa relation avec la victime, le personnage nous apparaît dans toute sa complexité, sa médiocrité, patriarche n'usant que de violence comme fin à tout conflit ou enfant capricieux aliéné par ce pouvoir dont il jouit en permanence. On progresse ainsi accompagné de ce flic qui se permet toute les outrances jusqu'à un final littéralement kafkaïen, dont une citation clôt la dernière scène.
Je retiendrais tout particulièrement une scène d'interrogatoire vers la fin du film où le personnage livre dans un monologue saisissant la manière dont l'institution policière gangrène ce que l'on nomme "démocratie". Une scène qui résonne douloureusement bien avec la situation actuelle française. Bref un grand film politique servi par la mise en scène de Petri, jamais à court d'idées pour varier les valeurs de plans, les cadrages toujours signifiants. Et comment ne pas terminer sur la magnifique partition d'Ennio Morricone, qui transmet à elle seule toute l'aliénation du personnage principal.