Dans le même esprit de douceur et beauté visuelle que le premier film Ernest et Célestine (un coup de cœur qui fête ses dix ans - déjà ! - cette année), Le Voyage en Charabie est l'un des rares films d'animation à s'adresser encore autant aux plus jeunes qu'aux "grands". Car, c'est un peu la particularité de cet opus, il ajoute à son discours poétique un peu d'éveil à la liberté, à la musique, et au droit d'être qui l'on veut, avec toute la finesse nécessaire au sujet adapté pour le très jeune public (pas de panique : ce n'est pas Persépolis). Aussi, on n'a pas honte à dire que l'on a eu souvent les yeux embrumés face à ce discours sur la puissance des Arts, leur nécessité absolue, nous faisant repenser à une récente période où tout était fermé, et triste, et évidemment à tous les pays où l'expression de soi, la musique et le chant restent des utopies (de véritables crève-cœurs). Pour essuyer nos yeux, Lambert Wilson à la rescousse, avec sa voix chaleureuse qui convient si bien à cet ours ronchon (ses grognements et "J'ai faim !" nous font toujours rire, tandis qu'on entend quelques "Ça me rappelle quelqu'un" parmi les parents du fond...), et la voix de Pauline Brunner qui revient dix ans après sans avoir bougé d'un pouce, nous stupéfait. Un petit rôle drôlatique pour Christophe Lemoine est à noter, pour tous ceux que sa voix fait trépigner dans les VF (on plaide coupable). Et évidemment, une place notable pour la musique, celle qu'on attend comme la Liberté guidant le Peuple, et qui file toute l’œuvre amoureuse de son sujet (notre moment préféré : la course-poursuite qui se transforme en notes sur une partition... Aussi beau qu'inventif, la digne héritière de la scène des "touches de couleurs aquarelles" apparaissant avec la musique dans le premier film, la scène qui nous avait emporté, déjà, à l'époque). Même en ayant changé de réalisateurs (Benjamin Renner, Vincent Patar, Stéphane Aubier laissent leur place aux deux réalisateurs qui ont donné naissance au moyen-métrage Ernest et Célestine en hiver : Julien Chheng et Jean-Christophe Roger), on sent toujours la magie des personnages opérer (qui n'a pas fondu lors des câlins ? Qui ?), la poésie visuelle qui nous embarque comme si on avait de nouveau quatre ans (ce design dessiné - sur tablette, à présent - n'a absolument rien à envier au numérique des grands studio, toujours plus lisses et sans défauts : berk, vive les coups de crayons !) et un combat à mener pour la liberté qui nous a ému. Le Petit Nicolas et Ernest et Célestine sont les meilleures animations de 2022, c'est dit.