Film de Boisset réalisé en 1982 quelques années après ses films majeurs "RAS", "Dupont-Lajoie" et l'année précédant "le prix du danger". Autant dire que c'est dans sa période de grande forme.
Et le film "espion lève-toi" raconte un épisode de la lutte entre services de renseignements, pendant la guerre froide. Si, à la tête de ces divers services nationaux, les objectifs sont probablement clairs pour des raisons dites géopolitiques pas forcément explicites, sur le terrain, cela se traduit par des manœuvres alambiquées où les agents du terrain ne sont pas forcément dans la confidence. A la fin, la "guerre" se termine par un nouvel équilibre ou un nouveau statu quo obtenu à travers le sacrifice d'un ou plusieurs agents. A ce niveau, le scénario n'a pas grand-chose d'original. Je dirais que c'est un invariant dans bien des films d'espionnage.
De ce point de vue, Boisset est tout-à-fait sur cette même ligne car à la fin on ne saura pas vraiment qui a commencé à manipuler qui ni pourquoi.
Là où le film de Boisset se démarque c'est que Ventura, prospère homme d'affaires français installé en Suisse, est un agent français dormant, un peu sorti des histoires d'espionnite et est mystérieusement "réveillé" pour s'en prendre plein la gueule. Sa contribution à la "guerre" des services de renseignement est voisine de zéro.
D'un point de vue scénaristique, j'ajouterais que la barque me semble bien chargée en dotant Ventura d'une compagne, universitaire, très impliquée avec les gauchistes tendance Bande à Baader. Bon pourquoi pas, les gènes ne se contrôlent pas toujours très bien.
Si on fait abstraction de ces petits détails, le film met en scène plusieurs personnages très intéressants qui font d'ailleurs tout le sel du film.
Ventura lui-même est pas mal dans son rôle d'espion un peu malmené bien que je l'aie eu trouvé meilleur dans "le silencieux".
Michel Piccoli excelle dans son rôle de "maître des requêtes auprès du conseil fédéral", en fait, probablement une somptueuse barbouze appointée on ne sait trop par qui mais qui semble mener la danse avec grande élégance et beaucoup de venin… Un métier de Seigneur!
"l'aristocratie du KGB" ou bien l'échelon local appartenant au SDECE ! Dans le duel psychologique Ventura – Piccoli, Ventura, en gros balourd habituel du genre "gorille", ne fait pas le poids.
Bruno Cremer est aussi un personnage intéressant avec le style "officier-qui-obéit-aveuglément-aux-ordres", qui n'a pas à se poser de questions sur le pourquoi du comment. On retrouve en lui le "Wilsdorf" de la "317ème section" ou bien le colonel Rol de "Paris brûle-t-il"
A l'inverse, Bernard Fresson, c'est le collègue sympa, pas vindicatif, l'ancien camarade de combat dans un passé lointain. Il met de l'humanité dans ce monde de brutes.
Pour finir, la bande originale d'Ennio Morricone est angoissante et parfaitement appropriée pour soutenir l'action.