Disons, pour faire simple, que je n'ai jamais trop adhéré au cinéma de Guédiguian. Par contre, je connais bien ce cinéaste (dont j'ai dû tout voir ou à peu près) pour une simple raison, c'est que je vis avec une véritable fan et que par conséquent, n'est-ce-pas …
Depuis de nombreuses années que je pratique ce cinéma, je note d'importantes évolutions mais aussi de nombreux invariants.
Les invariants, c'est un discours toujours très militant, tendance misérabiliste. Rien ne va jamais dans cette bonne ville de Marseille. Les bourgeois, toujours aux commandes, face au peuple qui n'en peut plus et qui se démerde comme il peut avec les moyens du bord. Pas besoin de préciser qui sont les gens bien et les autres. D'ailleurs, les autres, on en parle beaucoup mais ils ne sont pas tête d'affiche chez Guédiguian. Sauf dans "Gloria Mundi" (2019) où deux personnages issus du peuple sont devenus, grâce à leurs efforts, des patrons. Attention, des patrons qui ont oublié leurs origines, odieux avec le petit personnel et dont on montre des aspects pervers (cocaïne et sexe).
Parmi les invariants, il y a aussi la communauté arménienne de Marseille d'où sont issus les personnages principaux de Guédiguian. En général, c'est ce que je préfère dans les films de Guédiguian car les séquences sont chargées d'une émotion tranquille, de traditions sympa et d'une musique souvent très belle.
Les importantes évolutions des films du cinéaste concernent le contexte politique que j'interprète (possiblement à tort) de la façon suivante. Au début (années 80-90), les personnages des films étaient proches du PCF (ou de la CGT). Par conséquent, un problème (et il y en a toujours chez Guédiguian) et c'était la lutte, le combat syndical avec la solidarité de classe, la victoire parfois ou la défaite honorable, la satisfaction du devoir accompli, etc …
Puis, l'audience (du PCF) baissant, les personnages vieillissants, le grand soir n'arrivant toujours pas, on note chez Guédiguian une amertume, de la déception. Et ça se traduit par des militants qui n'y croient plus et qui baissent les bras. Ou alors, ça se traduit par une "anarchisation" grandissante.
Là, dans "Et la fête continue", le film évoque le drame humain provoqué par l'effondrement d'immeubles en plein centre (en référence à ce qui s'était produit, rue d'Aubagne en 2018), sur fond de campagne électorale pour les municipales. Les personnages du film se partagent entre d'une part, les bénévoles qui contribuent aux secours et au relogement des survivants et, d'autre part, les infirmières fortement sollicitées (dans un hôpital à bout de souffle).
On retrouve bien entendu le trio de choc habituel, j'entends par là les acteurs fétiches du cinéaste à savoir Ariane Ascaride dans le rôle d'une infirmière proche de la retraite, candidate aux élections municipales qui tente en vain de réunir les forces de gauche sous une étiquette écolo et qui est près de jeter l'éponge. Gérard Meylan, quant à lui, est resté un communiste pur et dur (au grand cœur) qui a la nostalgie d'avant mais qui a aujourd'hui baissé les bras. Et Jean-Paul Darroussin, libraire récemment retraité, venu à Marseille pour se rapprocher de sa fille et qui rencontre Ariane Ascaride
Spoiler : pour en tomber amoureux.
Comme souvent, le scénario décrit des tranches de vie avec les multiples problèmes du quotidien de chaque personnage. Comme toujours, la communauté est là pour soutenir ses membres, les accompagner et même trouver la solution au problème réputé insoluble. On est dans le sud … tout le monde commence par s'engueuler avant de s'entendre. L'humanisme de Guédiguian en action.
Mais je vais conclure sur ce plat (arménien) des linguines aux noix et aux anchois, qui me semble être l'apport le plus positif du film.