"Là où la vie n'avait pas de valeur, la mort avait un prix"
Ainsi démarre "Et pour quelques dollars de plus", film réalisé par Leone un an après "Pour une poignée de dollars".
Le ton est donné : on va parler des chasseurs de prime. Et effectivement le film met en scène deux chasseurs de prime, un vieux et un jeune. Un jeune (Eastwood) tout aussi avide de fric que dans le premier opus et un vieux (Lee van Cleef) pour des motivations un peu plus complexes.
Mais on va aussi parler des autres gens incluant les bandits mais pas que. Bref, ces gens dont la vie n'a pas de valeur. Et je ne prendrai que l'exemple du début où Lee Van Cleef est face à un gugusse dans le train qui se veut juste serviable. Physiquement, il est ridicule et moralement, on devine que c'est un poltron. Quelqu'un de légaliste qui n'aura jamais le cran ou l'idée de tirer le signal d'alarme pour faire arrêter le train à sa convenance … Un minable, quoi.
Comme deux minutes plus tard, le contrôleur du train qui fait dans son froc (au figuré !) quand il se rend compte qu'il parle à un chasseur de prime ! Heu non, à un grand seigneur qui a tous les droits et pouvoirs.
Parlerai-je aussi du mépris sidéral d'Eastwood vis-à-vis d'un shérif qui lui donne la prime pour le cadavre d'un bandit recherché en lui faisant juste remarquer que la somme, c'est un an de salaire pour lui ? Encore un minable dont la vie ne vaut pas un pet. D'ailleurs, Eastwood, jouant les Dieu le père, lui arrache son étoile pour la jeter, avec mépris, par terre un peu plus loin, au pied de cow-boys éberlués.
Je suis désolé pour les "amigos", cinéphiles passionnés par les westerns spaghettis, mais, moi, je ne parviens pas à adhérer à ces personnages. C'est d'ailleurs un point que Eastwood cultivera ultérieurement et qui me fera régulièrement rejeter certains de ses films, que je les prenne au premier ou au second degré.
Restons positifs ! Cette fois encore, Leone soigne (très bien) la forme du film c'est-à-dire la mise en scène et la musique en les liant inextricablement. Dans le premier opus, je parlais d'osmose, c'est encore tout-à-fait vrai ici. Les personnages sont liés à la musique sous la même forme de leitmotive.
Mais, c'est un peu au détriment du fond car on sait peu de choses des personnages et ce n'est pas les dialogues qui vont alimenter la réflexion. Tout se passe dans les regards ou les postures. Et les rares dialogues sont d'une grande pauvreté et porteurs de la violence qui n'a pu s'exprimer dans les regards. Il en est ainsi de la brève discussion entre Eastwood et trois bandits de la bande à Gian Maria Volonte :
Qu'est-ce qui te fait croire que je blaguais ?
Qu'est-ce que tu veux dire ?
Eh bien, exactement ce que je dis
Avant le flingage en règle où Eastwood exécute trois bandits (pas avec la même balle mais presque).
Je viens de parler de Gian Maria Volonte qui est à nouveau dans ce film, un bandit que Leone nous présente comme un homme très cruel, vicelard et en plus drogué jusqu'aux yeux. Et la bande ne vaut pas mieux avec un Klaus Kinski, dépenaillé, au regard torve. Quelque part, on se rassure. Les chasseurs de prime ont finalement un peu de légitimité … Ces bandits sont des gens qui ne valent vraiment rien vivants, certes, mais les tuer semblerait presque salutaire. Et en plus, s'ils rapportent morts, alors de quoi se plaint-on ? Franchement.
Donc, on l'a compris, qu'on se tourne vers les chasseurs de prime ou vers les bandits, on est dans la bagarre au sommet entre des justiciers (pas gentils mais du côté de la loi) et des ordures à éliminer (des malfaisants). Au-dessus du commun des mortels. Sans scrupules, d'un côté ou de l'autre.
Au final, on a cette fois-ci un film (un western ?) qui a du sens mais une signification à laquelle je n'adhère guère. Un film qui a du sens mais qui ne dégage aucune émotion ou à peine (je fais allusion au epsilon d'émotion concernant la vraie motivation de Lee van Cleef qu'on découvre à la toute fin).
Mais force est, quand même, de constater que le film se regarde bien pour le spectacle bien orchestré par le tandem Leone et Morricone ce qui me motive pour une note à 5.
Semaine prochaine : le troisième opus "le bon, la brute et le truand"