Critique rédigée en juillet 2020
Sous le regard innocent et inconscient de leur entourage, deux jeunes gens (Félix Lefèbvre et Benjamin Voisin), se retrouvent soudainement soudés par une amitié démesurée finissant par virer à la romance pendant l'été 1985, rythmé par ses événements estivaux et ses hits musicaux. Rien ne laisse alors présager que l'un d'eux va radicalement revenir sur son orientation amoureuse et que l'autre devra se tenir au pacte signé en commun et censé les réunir à jamais. Le survivant, Alexis, se livre au cours d'une convocation au tribunal pour une affaire dont lui-même et son amie Kate (Philippine Velge) détiennent le secret...
Véritable Call me by your name à la française les enjeux en plus et la niaiserie émotionnelle en moins, Été 85 en adaptant Aidan Chambers se révèle tout le long comme l'ultime combinaison de tout le cinéma de François Ozon, hybridant avec brio l'amitié masculine prônant dans la maison, les non-dits échangées par les huit femmes, et grâce à Dieu, le rendez-vous à la religion qui plane dans la seconde partie. C'est une romance poignante et semi-autobiographique, reposant sur une trame classique mais qui ne néglige ni l'évolution stylistique d'un cinéaste qui se livre mieux que jamais, clins d'oeil aux années 80 qui plairont tout particulièrement aux nostalgiques.
Parce que oui, cet été 85, on le reçoit comme authentique bond en arrière généreuse en références à l'univers du cinéaste et ambitieux dans sa démarche de transgression dont les vacances posent les jalons (flash-forwards agressifs extirpant la bien-pensée d'une certaine idée de notre cinéma, effets épileptiques tout particulièrement renforcés les émois de deux coeurs calés entre deux chaises). De plus, la tension est palpable, l'esthétique baignant dans sa première et ultime séquence dans un fétichisme macabre rythmé par la voix de Robert Smith et le tube dansant de The Cure In between days et dans des paysages normands qui m'ont personnellement fait baver. Certaines tournures que prennent les personnages se révèlent assez prévisibles dans le bilan,
La mère de David (Valéria Bruni-Tedeschi) qui de mère poule et veuve bien portante se change en personnage sans pitié et rongé par la rancoeur après la mort brutale de son fils, suivant la rupture de ce dernier avec Alex. C'est très attendu, mais heureusement sauvé par la prestation de la comédienne qui de sa voix cassée participe au vivant au sein d'une communauté dont le séjour se clôturera dans la mort.
Été 85 est une belle réussite, une oeuvre à la fois forte, nostalgique et cruelle qui n'avait besoin que de Ozon pour exister. Expérience mystérieuse de la jeunesse, ancrée dans son temps et paradoxalement privant d'amour.
Quelle vie étrange, plus de mots bleus, no more...