[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]
L'histoire d'Euforia est très étrange : Matteo (Riccardo Scamarcio) apprend que son frère Ettore (Valerio Mastandrea) est atteint d'une tumeur au cerveau, l'invite chez lui à Rome pour se soigner, mais lui cache la véritable nature de sa maladie ; l'entourage d'Ettore aussi bien que le corps médical entretient le secret. Est-ce légal en Italie ? (En France, pas.)
Cet élément, quoique essentiel, qui me turlupine, mis à part, j'ai bien aimé Euforia. Je m'en souviens malheureusement peu, et aimerais le revoir.
De quoi est-ce que je me souviens, alors ? Avant tout, du tempo, soutenu. Rythmes élevés du montage, des dialogues, des mouvements de la caméra et des personnages, de la bande-son sans doute. Cela explique mon impression que le film adoptait le point de vue de Matteo tout en s'efforçant de ne pas trancher : moins par sa présence plus fréquente à l'écran ou le fait que tout se passe chez lui que parce que la caméra adopte son rythme, un rythme impétueux, à la fois parce que Matteo à les moyens de profiter de la vie mais aussi pour fuir, pour ne pas voir trop longtemps ce qui lui fait mal, en particulier la maladie de son frère. Symbole de ce tempo, je me remémore un plan, cinq secondes, totalement anecdotique, mais que j'ai trouvé amusant. Des personnages traversent en courant une rue ou un couloir, de la droite vers la gauche, jusqu'à une porte. La caméra, distante et en plongée, les suit, en panoramique ; mais le cadre est fortement incliné (« débullé », « *Dutch angle »...), et penche dans le sens inverse en même temps que le mouvement panoramique. Un peu de folie, gratuite et sans s'appesantir, juste pour le plaisir.
Et je me souviens des crises d'Ettore, qui surviennent souvent au beau milieu d'un moment joyeux, au cours desquelles celui-ci a des difficultés à parler, et s'en rend compte. J'ai été très touché par le jeu de Valerio Mastandrea, qui opère une rupture entre l'Ettore renfrogné et distant et sa soudaine détresse, son humanité sans masque, qui se révèle lorsqu'il prend conscience qu'il n'est même plus maître des mots qu'il prononce.
Lorsque j'y repensé, j'aime beaucoup le choix de montrer l'approche du décès à travers un regain de vie, le rapprochement des deux frères, malgré l'imminence de la mort qui plane, malgré les travers dans lesquels chaque personnage est empêtré. Le titre, a expliqué la réalisatrice Valeria Golino, fait référence à une sensation de béatitude ressentie par les plongeur-se-s ayant nagé trop profondément, et qui signifie qu'il est temps de remonter. Je le trouve très bien trouvé, car Euforia confronte ses personnages à la proximité de l'abysse mais les raconte de manière euphorique, tendre, drôle.