• Revu en juillet 2014 :
Les films de science-fiction à petit budget ont toujours cette atmosphère en plus qui manque souvent aux plus gros. Europa Report construit un huis-clos intéressant, rempli de bonnes idées, tout en s'inspirant de valeurs sûres comme Sunshine et For All Mankind. À l'image de ce dernier, c'est le côté found footage, avec les caméras de la mission, qui bâtit le long-métrage. Pour appuyer cet aspect vérité, les effets spéciaux sont étonnamment très bons et réalistes, que ce soit les plans du vaisseau, ou même les paysages glacés d'Europe. Néanmoins, le montage par caméras interposées fait cruellement défaut au film. Déjà parce qu'on ne s'attache jamais aux personnages, mais aussi parce que l'histoire n'est pas tout le temps chronologique, ce qui casse l'immersion. Et c'est dommage, parce que la musique bien employée continue d'appuyer sur l'atmosphère propre du petit film spatial qui tente de se la jouer 2001 (et 2010), mais qui se conclut en deçà de ses possibilités.
• Critique du 22 août 2013 :
Cette année 2013 semble être un excellent cru pour la science-fiction, surtout celle orientée contemplation dans la veine d'un 2001 : L'Odyssée De L'Espace. Ça a surtout commencé sur de très bonnes bases avec Oblivion qui, s'il tire avant tout principalement sur l'action, possède tout de même une ambiance peaufinée et un finale d'orfèvre bien ancré dans cette esthétique enivrante. Et puis, il y a surtout Gravity, annoncé comme techniquement et visuellement révolutionnaire, pour lequel j'ai bien du mal à refréner mon engouement. Entre temps, pour patienter d'avril à octobre, il y a Europa Report. Un projet noté sur un mémo à son annonce, il y a quelques mois (années ?), mais sans clairement rien en attendre de spécial. Ce jusqu'à ce que cette somptueuse affiche soit dévoilée, ainsi que le trailer - rien d'exceptionnel en soi, mais insufflé de cette atmosphère particulière que j'adule et ne demande qu'à retrouver le plus possible dans le genre.
Néanmoins, avec son budget minime (inférieur à 10 millions $) et son étoffe de film indépendant, Europa Report n'est qu'à quelques pas de la série Z, qu'il parvient heureusement à éviter. Notamment parce que le long-métrage, en forçant quelque peu, parvient à installer une très belle atmosphère. Par ailleurs, malgré cette production indépendante, les effets spéciaux sont très réussis et surtout ancrés dans un réalisme des plus convaincants (les bandes-annonces de Gravity reviennent aussitôt en tête), à l'instar de ce vaisseau détaillé à l'extrême à l'extérieur - qui n'est en fait qu'un modèle numérique - et surtout à l'intérieur qui, là, les trois quarts du film s'y déroulant, a vraiment été construit - à 360° et sur trois niveaux - laissant les acteurs progresser dans une capsule complètement fermée. Ce soucis de réalisme est clairement inspiré du monument qu'est 2001, et du plus récent Sunshine, jouant également la carte scientifique. Pour ce qui est de la constitution, et de la glace, du satellite de Jupiter, c'est très joli même si on a par moment cette impression de décors en carton, et les prises de vues aériennes sont très fidèles, puisque reprises d'images de la NASA.
Notons également, qu'en partant sur la base d'appréhender l'intrigue comme un documentaire/found footage sur la mission, avec son lot d'animations 3D et explications "scientifiques" intervenant par instants, Europa Report montre une véritable inspiration de la part du réalisateur envers le somptueux documentaire For All Mankind qui, dans son réalisme, parvient à être plus époustouflant que de nombreux films de science-fiction. On retrouve donc ce même aspect, avec une photographie des plus naturelles, et non bardées d'effets stylistiques, pour simplement rendre les images crédibles. Pour appuyer cette ambiance, l'environnement sonore se fait assez minimaliste, laissant la trame musicale du talentueux Bear McCreary rythmer l’œuvre, bien différemment de ses travaux précédents. Le thème principal, détourné en plusieurs variantes, est envoûtant, tout en étant mystérieux, et les morceaux d'ambiance naviguent parfaitement entre des schémas de tension modernes et une touche plus grandiose due à quelques apports classiques bien vus. Sur les scènes les plus intenses, à l'extérieur du vaisseau, on pense même parfois au travail sublime de John Murphy sur la fable solaire de Danny Boyle.
Toutefois, en voulant à tout prix que son film n'ait pas l'air d'un film de fiction, Sebastián Cordero n'échappe pas au revers du genre found footage qui n'est pas forcément le plus approprié pour ce type de pellicule, et fonctionne parfois à l'inverse de ce qu'il aimerait transmettre. En effet, le metteur en scène a positionné ses caméras dans l'habitacle en réfléchissant de manière scientifique, à la façon des angles de vue de la Station Spatiale Internationale, c'est-à-dire que les caméras sont placées aux endroits "vitaux", nécessaires pour surveiller et contrôler. Du coup, d'une part le huis clos a du mal à s'installer car il n'apparaît pas aussi oppressant - et qu'il n'est pas commode de se représenter l'habitacle spatialement - avec toutes ces prises de vue dans tous les coins - alors qu'une caméra libre l'aurait davantage retranscrit en en faisant le tour rapidement - et, d'autre part, il y a cette impression d'une barrière entre l'écran et le spectateur qui casse quelque peu l'immersion avec ces prises de vue cockpit/casque/combinaison plutôt restreintes, et ne transmettent donc pas l'ampleur que j'aurais aimé trouver. C'est pourquoi Europa Report aurait gagné à être tourné de manière "cinématographique".
Qui plus est, dans ce même genre d'idée, il arrive un point ou vouloir de l'ultra-réalisme ne se concilie plus forcément avec la vision du cinéma. Par exemple, on a ces plans des caméras des casques qui font souvent cheap, surtout avec toutes les jauges rajoutées grossièrement en post-prod, ou bien tous les cadrages qui n'ont pas grand chose d'esthétique et sont parfois anodins. C'est essentiellement ce qui frustre : ne pas pouvoir avoir un angle de vue plus développé que celui limité des caméras embarquées, ce qui finit indéniablement par nous sortir du film. Si on prend l'exemple des extraits de Gravity, filmés en caméra libre, on a déjà clairement plus l'impression de ressentir l'urgence des personnages, et d'être "avec eux". On s'éloigne, pour ma part, de la vraie portée du cinéma, surtout pour la sensation d'émerveillement cherchée sur certains passages.
Cependant, c'est tout de même dans ce genre de films indépendants, à petit budget, et qui vont plus ou moins au bout de leurs idées, tout en ayant un aspect authentique très appréciable, que je trouve majoritairement mon intérêt. Du côté de l'intrigue, ils auraient par contre dû davantage construire autour de l'arrivée sur Europe et son exploration car, bien que ce soit très présent, on a paradoxalement l'impression d'y passer en coup de vent, a contrario d'un Alien ou un Sunshine, où les expéditions sur LV-426/Icarus I permettent de réellement découvrir le nouvel environnement et d'impliquer le spectateur dans la moindre avancée. Et je pense que le montage qui case très rapidement le film dans la catégorie amateur/indépendant en est en partie la cause puisque les séquences sont souvent très brèves, constamment entrecoupées pour d'autres des différents endroits où se trouvent les personnages, ou alternées avec des situations passées, futures même, ou bien simplement des témoignages face caméra, une conférence de presse, etc... L'ensemble est ainsi assez hétérogène - pas le meilleur pour bâtir convenablement une atmosphère - et ce mélange de flashbacks/flashforwards entache finalement la trame et nous empêche de nous imprégner complètement du cheminement émotionnel des personnages.
Rien d'étonnant, d'ailleurs, de trouver de nombreux inconnus - ou presque - au casting, ce qui est un bon postulat de départ pour se prendre plus facilement au jeu. Le film peut tout de même se targuer d'avoir un Sharlto Copley sur le haut de l'affiche (qu'on retrouvera d'ailleurs très prochainement dans Elysium), sans pour autant lui confier automatiquement le rôle principal. Idem avec Michael Nyqvist, vétéran de l'équipage, qui reste essentiellement secondaire, et ce n'est pas plus mal car sa prestation est par moments trop forcée. Parmi les moins connus donc, on trouve Embeth Davidtz, en directrice de l'organisme derrière la mission, Christian Camargo, en scientifique pas mal absent, Karolina Wydra, en biologiste un peu passive, Daniel Wu, en capitaine très sympathique, et Anamaria Marinca, la pilote et "protagoniste" du film. Globalement, les prestations sont correctes, mais les réactions de l'équipage ne sont pas toujours très convaincantes. Ce qui est un peu dommage car le long-métrage est clairement porté sur l'avancée de l'équipage, de ses convictions, de la portée de sa mission, et de la relativité de l'existence humaine. Ça aurait pu être bien plus poussé sur ces points car, s'il a l'ambition d'un 2001, Europa Report peine à être aussi engageant.
En somme, le visionnage (double) d'Europa Report me partage car, sans avoir été rivé à l'écran (comme ce que j'en attendais), l'ambiance générale du film m'a beaucoup plu, tout comme cette volonté de faire primer l'aspect scientifique sur le simple spectacle. Mon excitation envers la grandeur du film a sans doute été trop titillée par les premiers retours établissant d'emblée des parallèles avec des œuvres maîtresses du genre. Au final, le film me fait énormément penser à Love (Space Time : L'ultime Odyssée, en France) : de grandes ambitions pas forcément atteintes (et d'innombrables idées pour faire dans l'originalité), mais énormément de cœur à l'ouvrage. Cela se ressent indéniablement, et c'est ce que l'on choisit de retenir au final.