Ely Dagher signe le très beau portrait d’une jeune fille dans un Liban fantomatique. Le film souffre cependant de quelques longueurs et s’un scénario un peu mince. Mais la fin du film vient rehausser le tout et on ne voit pas un film libanais sur le Liban tous les jours. On y suit Jana, une jeune femme, revenant subitement à Beyrouth. Elle se retrouve à renouer avec la vie familière mais étrange qu'elle avait autrefois quittée.
La peinture du Liban est assez terrible. On voit tout de suite que le pays est dysfonctionnel. Les villes sont quasiment désertes quand elles ne sont pas bouchées par les voitures. Bourrées de tours mal entretenues et presque vétustes, la ville crie son inhumanité. C’est un pays qui ne vit plus, qui attend une vague de touristes. On imagine qu’elle ne viendra pas. Les adultes ne trouvent pas de travail et sont à court d’argent et les jeunes n’ont pas davantage de prospects.
Car ‘Face à la mer’ est avant tout un film sur la jeunesse libanaise et plus précisément sur une jeune fille Jana. On ne sait pas pourquoi elle est revenue, elle ne l’expliquera pas. Elle est mystérieuse et assez fermée. Son environnement familial, assez pesant et étouffant bien qu’aimant, n’aide pas. Sa mère est gentille mais inquiète. Le père est concerné mais légèrement autoritaire. La mère est femme au foyer, le père au chômage. Sans activité et sans future viable dans son pays, elle tentera de s’en échapper avec son mec Adam en fuyant vers une cité balnéaire touristique mais sans touristes. Cette fuite sans issue favorable possible donnera à l’héroïne un sentiment de presque-liberté. La vie de l’héroïne est à l’image de la vue sur la mer du titre : obstrué par des tours depuis le balcon de l’appartement familiale mais plus visible dans sa fuite.
Malgré ce constat sur le Liban et ce portrait de jeune fille, j’ai trouvé que le film manquait un peu de contenu. Le scenario est un peu mince, particulièrement dans la première partie du film. On y suit l’héroïne errer dans Beyrouth et comme le personnage est très secret, fermé, il nous manque un peu l’intériorité de l’héroïne. On n’a pas toujours d’empathie que l’on ne comprend pas tout le temps. Tout le monde n’est pas Michelangelo Antonioni. Dans son sublime chef-d’œuvre, on y suivait l’errance de Monica Vitti dans Rome. Et on ne s’ennuyait pas. La beauté mystérieuse de l’actrice italienne y était pour beaucoup.
Ajoutons un autre (léger) défaut. Pour signifier la vie figée et sans entrain, la cinéaste utilise majoritairement des plans fixes, sauf pendant l’escapade avec le copain pendant laquelle la caméra de meut. Ce choix de mise en scène cohérent ne confère pas au film le rythme suffisant. Le film manque un peu de dynamisme. Le film est peut-être un peu contaminé par l’immobilisme qui paralyse le Liban.
Ely Dagher peut en revanche compter sur une jeune actrice parfaite. Manal Issa a une vraie cinégénie et porte le film à bout de bras en symbolisant à elle seule toute la jeunesse libanaise. Elle est mystérieuse, a le visage boudeur et est très opaque. On ne peut voir le film que pour elle.