C'est assez surprenant de découvrir les premiers pas derrière la caméra d'un grand acteur, et qui plus est ceux d'un artiste aussi éclectique et polyvalent que Viggo Mortensen. Et force est de constater que ce dernier y met quelque chose de très personnel et vulnérable. Découvert en avant-première, cette première réalisation de l'acteur a la filiation pour thème central. Par le biais d'un récit éclaté, usant de nombreux allers-retours dans le passé, Falling se veut intime et brut, émotionnellement fort ! Difficile de ne pas être alpaguer par cette histoire de famille où un patriarche au caractère instable mène la vie dure à son entourage en la dominant, et dont le glissement vers la démence dans ses vieux jours ne fait qu'empirer les choses. Avec un regard plein d'empathie et de bienveillance, le film évoque les souvenirs d'une vie, celle du père, qui fait figure d'antagoniste-modèle contre laquelle le personnage du fils semble s'être forgé. Mortensen passe les relations familiales au crible, représentant des êtres qui ne se connaissent jamais vraiment en totalité, en dépit des liens de sang qui les unissent... Via les cicatrices du passé, l'acteur-réalisateur explore une confrontation houleuse entre un père monstrueux, tantôt raciste, homophobe ou misogyne, et un fils fidèle, débordant d'amour, et au grand désarroi de son paternel, homosexuel et marié, et ce, sur près de cinquante ans. Le tandem d'acteur est impeccable : Lance Henricksen est sidérant de cruauté, sans doute en lice pour les prochains Oscars avec une telle performance, et Mortensen, volontairement en retrait, ne peut que nous toucher. Nombre de leurs scènes sont déchirantes et puissantes, au point de m'en faire dresser les poils sur les bras, et Dieu sait que j'en ai pas beaucoup ! À noter également la très belle performance de Sverrir Gudnason dans le rôle du père dans sa jeunesse. La petite touche qui fait toute la différence, ce sont ces flashes, ces échos d'une vie qui se termine, comme des hallucinations qui nous font percevoir les vices d'une mémoire qui vacille. Ils ont fonction de ciment et permettent en quelque sorte de ne pas condamner le personnage à cette image d'homme sans coeur, tout en apportant poésie et respiration à ce film assez bavard. Car oui, malgré toutes ces émotions, Falling n'est pas sans défauts. Au bout d'un certain temps, les scènes s'étirent et donnent l'impression de tourner en rond. C'est dommage, car ça affaiblit l'impact de ce puzzle émotionnel. Et comme il n'y a pas de rebondissements et que les états d'âme des personnages sont plutôt limpides, on se dit alors que quelques coupes n'auraient pas été de trop !