Quand reviennent les souvenirs.

Un homme décide d'héberger son père quelques jours en Californie, le temps de lui trouver une maison dédiée à la maladie qui le ronge, à savoir la démence. Ce voyage et l'arrivée du père chez son fils, et son mari, va être l'occasion de revivre quelques souvenirs.

Premier film réalisé par Viggo Mortensen, on ne pourra pas reprocher d'avoir choisi la facilité sur un sujet qu'il connait bien, cette maladie-là, mais il joue non seulement l'un des rôles principaux mais il en est aussi le compositeur et un des producteurs, étant allé jusqu'à mettre de l'argent de sa poche que Falling se fasse.
Mortensen a fait le choix d'un montage éclaté, faisant miroir aux réminiscences de son père, joué par le formidable Lance Henriksen, où la vie du premier n'a pas été facile, traumatisé par les choix du second, qui traitera lui et sa petite soeur à la dure Disons que, sans trop en dire, les secrets de famille sont légion dans cette histoire, certains étant horribles à vrai dire, mais Mortensen a fait le choix d'orienter le récit vers le pardon. Le pardon envers ce père qui n'a jamais dit à ses enfants qu'il les aimait, mais qui reste avant tout leur seul parent à lui et sa soeur. D'ailleurs, cette dernière est incarnée par la très bonne Laura Linney dont on peut regretter qu'elle n'apparaisse pas plus longtemps car son échange avec son père, lors d'un repas familial, est très lourd en sous-entendus, parfois sur une réplique ou un plan quasi-subliminal.

Mais le clou de spectacle si j'ose dire est la présence de Lance Henriksen, acteur qu'on a adoré dans Aliens, Terminator ou la série Millenium et qui atteint sans doute ici le rôle d'une vie, avec sa voix passée au papier de verre, mais un regard qui en dit long sur sa volonté de vivre, malgré sa démence, et son manque de courage par rapport au passé, à la suite d'une confrontation finale avec son fils où toutes les digues vont sauter. Il faut savoir qu'à cause de sa maladie, le personnage n'a plus d'inhibitions sur le lange ou la bienséance, et aligne les vulgarités, homophobes même, car il ne sait plus vraiment ce qu'il dit ; il pense que sa femme est encore en vie, qu'il peut monter un escalier alors qu'il est dans un avion et ainsi de suite... Mais l'acteur le joue avec une telle vraisemblance, sans tomber dans le caricatural, que c'en est troublant.

Si on connait Viggo Mortensen en tant qu'acteur, il n'en oublie pas d'être un réalisateur en laissant le beau rôle à Lance Henriksen, mais en faisant aussi de la mise en scène, en 35 mm, notamment toutes les scènes dans l'Oregon où le décor semble lunaire avec la neige qui s'entasse. Pour l'anecdote, il fait également jouer dans de petits rôles son fils Henry (un policier), et son réalisateur fétiche David Cronenberg en tant que chirurgien.

Je ne sais pas si Falling sera suivi d'un ou de plusieurs films dans la carrière de Mortensen, mais là, il n'a pas à rougir, et a surtout fait le choix de la difficulté, aussi bien au niveau du sujet que du montage non linéaire. Bref, un auteur est-il né ?