J'avais 9 ans lorsque Fatal est sorti en salles. Découvert à cette période au cinéma, le film m'avait laissée indifférente de par sa vulgarité et je l'ai longtemps laissé de côté. Puis un nouveau visionnage en Blu-ray à l'âge de 16 ou 17 ans a été plutôt bénéfique, Michaël Youn portant un regard aussi pertinent qu'amusant sur l'univers télévisé et musical du divertissement mainstream. Un monde qu'il connaît bien en ayant longuement participé à sa propagation avec des caricatures bien senties comme celle des Bratisla Boys à partir de 2002 ou encore celle de Fatal Bazooka à partir de 2006. De Stach Stach à Ce Matin Va Être Une Pure Soirée en passant par Fous Ta Cagoule et Mauvaise Foi Nocturne (détournement d'une chanson de Diam's et Vitaa), les années 2000 sont celles du triomphe commercial de ce jeune trublion provenant de la télévision, souvent agaçant, parfois drôle, mais indéniablement doté de talent.

15 ans après sa sortie, se replonger dans l'univers de Fatal à l'âge de 24 ans reste une expérience surprenante face à la réelle qualité de l'écriture, mais aussi face à l'aspect visionnaire de l'idiocratie qui s'est depuis développée dans tous les domaines, de la politique à l'éducation, en s'attardant bien évidemment dans celui du divertissement. De Jonathan Cohen (homme mâture s'exprimant comme un ado' de 14 ans) à Marine Delplace (sympathique gagnante de la 12e saison de la Star Academy qui a sensiblement quelques années de retard en matière de maturité), la régression morale et spirituelle propre au XXIe siècle provoque un indéniable succès public que dénonçait déjà ouvertement Fatal en 2010. Face aux nombres conséquents de navets spécialement écrits pour Christian Clavier, la multiplication des métrages mettant en scène la famille Tuche et les séries TV sensées être "hilarantes" telles que La Flamme et Le Flambeau, l'idiocratie généralisée provoque des ravages intellectuels sociétaux qui ne s'arrêtent malheureusement pas aux émissions de TV réalité. Sans prétexte intellectuel ou culturel, Michaël Youn offre ici l'un de ses nombreux délires en mode "super deluxe edition" (13 000 000 € de budget) tout en exacerbant un message pamphlétaire envers notre société de surconsommation.

Fatal Bazooka est un rappeur français qui a vendu plus de 15 millions de disques. Il gagne chaque année tous les prix aux Music Awards de la Musique et il est fiancé avec Athena Novotel, une blonde riche, intéressée et pas intéressante. Chris Prolls, un nouveau venu, adepte de l'electro-pop-écolo auto-tuné, vient le combattre dans sa propre arène et le ridiculise en révélant son vrai nom : Robert Lafondue. Car Fatal n'est pas un enfant des cités comme il l'a toujours laissé entendre, mais un jeune Savoyard…

Doté d'un rythme fulgurant, une avalanche d'images frénétiques et de gags absurdes commotionne les spectateurs dès l'intro' du métrage. Bruyant, loufoque et profondément débile, l'univers dans lequel nous sommes plongés peut tout autant faire rire que faire fuir. Sauf qu'à travers le second degré bas-de-plafond, la caricature satiriste fonctionne à plein régime et, surtout, se voit remarquablement conduite, avec habileté et aptitude. Et quand la régression entame indéniablement une forme de lassitude, Youn nous offre un vent d'air frais savoyard pour découvrir les origines de son anti-héros. Alors oui, c'est souvent du grand n'importe quoi, mais ça reste drôle. Irrationnel, certes, mais sacrément réfléchi. Car Youn et son équipe sont de véritables bosseurs sous leurs faux airs je-m'en-foutistes. Et ce que je trouvais vulgaire étant enfant (les allusions sexuelles, les grossièretés, la sexualisation des femmes, etc.) est finalement sagace face à la bêtise abyssale prônée par le monde du divertissement et des médias mainstreams, mais aussi par celle de notre société, en constante régression, que le métrage brocarde sans appel.

Bien vu, monsieur Youn.

candygirl_
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mes films / BD & DVD et Films visionnés en 2025

Créée

il y a 4 jours

Critique lue 6 fois

3 j'aime

candygirl_

Écrit par

Critique lue 6 fois

3

D'autres avis sur Fatal

Fatal
binnie
1

Critique de Fatal par binnie

Voir FATAL, c'est comme aller chez un gynécologue une froide journée de janvier, franchement, ni plus, ni moins. Ce n'est pas agréable, mais bon, comme ça c'est fait.

le 24 juin 2010

66 j'aime

7

Fatal
Lightdrink
7

J'ai mal à la musique

On a tous des films comme ça, où on a l'impression d'être seul contre le reste du monde. Fatal en fait indéniablement partie pour moi. MAIS ! Mais. Je retrouve dans les critiques glanées çà et là...

le 19 janv. 2013

54 j'aime

5

Fatal
Vnr-Herzog
2

Zoolander for dummies

Fatal c'est 95 minutes de film autour d'un personnage de sketch (Fatal Bazooka donc), d'autres l'ont déjà fait avant avec un manque de réussite certain (Elie Semoun, Jean Dujardin, Gad Elmaleh). Mais...

le 24 août 2011

47 j'aime

17

Du même critique

Voleuses
candygirl_
5

French Cat's Eye

Adaptation filmique de la BD franco-belge La Grande Odalisque, elle-même très inspirée par le manga Cat's Eye, Voleuses est un divertissement made in France qui vise essentiellement le grand public...

le 1 nov. 2023

29 j'aime

2

Nosferatu
candygirl_
8

Seigneur et saigneur

Dans une vieille interview, Terence Fisher affirmait que la principale origine du vampire dans la culture occidentale remonte à l’apparition du serpent qui, dans la Bible, tente Ève et lui fait...

le 26 déc. 2024

13 j'aime

6

Rue Barbare
candygirl_
7

Y'a peut-être un ailleurs...

J'avoue ne pas comprendre le principal reproche fait à Rue Barbare. "Ça a vieilli" peut-on lire de-ci de-là. Bah oui, normal, le film fêtant ses 40 ans cette année, il n'est plus tout jeune...Au-delà...

le 21 sept. 2024

10 j'aime

7