Derrière cet improbable titre de sous-serial pour Tom Mix se cache un joyau précieux que vous auriez bien tort de laisser passer plus longtemps.
Je n'aurais pas misé une cacahouète sur George Marshall, mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'il se débrouille bien mieux que ce que sa réputation de tâcheron laissait croire. Dès le générique, une présentation baroque d'une de ces villes sans loi ou l'alcool et la bagarre sont loi à l'ouest du Pecos, le bougre fait montre d'une maîtrise et d'une élégance inattendue qui ne sera pas de trop pour suivre le rythme soutenu d'un western d'une densité exceptionnelle.
Il y a tout dans ce film et presque sans sortir du saloon. C'est une sorte de Lucky Luke contre Pat Poker avec un nettoyeur de ville à l'aspect naïf qui débarque sans effrayer outre mesure la bande de Brian Donlevy qui a mis la main sur presque toute la région. Comme les lois sur les ouvrages destinés à la jeunesse ne joue pas ici, on a le droit en plus à une femme de morale douteuse qui chante gaillardement et ne se laisse pas trop marcher sur les pieds... Marlène y est absolument à croquer, il faut l'avoir vu se battre avec la bonne épouse acariâtre du coin à cause d'un étrange pantalon gagné au poker à un Russe dégingandé que tout le monde s'obstine à appeler Callahan (Misha Auer, génie incompris) pour comprendre l'étendue du feu qui couve sous la glace...
Jimmy au milieu est absolument grandiose, il ralentit mouvements géniaux et phrasé magnifique pour se donner des airs de faux-mou qui passerait son temps à raconter des anecdotes moralistes au lieu de jouer du revolver (à ce propos, la dernière, même sans le son, avait l'air particulièrement gratinée...). Chaque dialogue est un petit bonheur ciselé aux petits oignons qui déclenchera sans peine chez les meilleurs d'entre vous une douce hilarité de bon aloi et le tout baigne dans une avalanche de gags indescriptible, mais sans jamais gêner le déroulement sérieux de l'histoire, ni la gravité émouvante du dénouement.
En fait, c'est un film sur un pochtron au banjo qui devient shérif et qui appelle James Stewart à la rescousse parce qu'il n'arrive jamais à maintenir sa chemise dans son pantalon, je ne vois vraiment pas comment ça pourrait ne pas être absolument merveilleux.
A noter que George réalisera lui-même un remake de ce remake dix ans plus tard avec Audie Murphy et Thomas Mitchell, mais quelque chose me dit que ce ne sera plus tout à fait la même chose...