Après plus de trois décennies d'absence, Victor Erice nous offre enfin un long-métrage, Fermer les yeux, lequel, ce n'est pas un hasard, parle d'une disparition, en l'occurrence celle d'un acteur, qui reste mystérieuse. Après la surprise des premières scènes (révéler leur teneur signifie déjà ôter du plaisir aux futurs spectateurs), le film suit le meilleur ami du disparu, son dernier metteur en scène, au présent, qu'une émission de télévision renvoie explorer le passé, avec un grand sentiment de nostalgie en bandoulière. Le film se passe en 2012, soit l'année du passage au numérique dans les salles espagnoles, pour celles qui purent sauter le pas. Fermer les yeux est donc aussi un hommage au cinéma d'hier, avec quelques références occasionnelles à Hawks, Nicholas Ray et Dreyer. Cette quête et enquête se révèle captivante de bout en bout alors que le cinéaste prend tout son temps, auprès de ses personnages vieillissants dont la route a été loin d'être rectiligne, au fil des années, et c'est ce qui en fait la valeur, si l'on considère que réussir sa vie est une notion bien subjective. Si la passé resurgit dans Fermer les yeux, le présent est aussi synonyme de petits bonheurs, comme une soirée entre amis avec quelques verres, une naissance à venir, l'affection d'un chien ou une partie de pêche. Le long-métrage se termine de manière sublime, avec une conclusion ouverte qui laisse la place à l'avenir. Il n'y a plus qu'à souhaiter que Victor Erice revienne très vite avec une nouvelle merveille à voir. Avec, si possible, une présence dans la compétition cannoise, dont Fermer les yeux a été inexplicablement privé.