Alors qu'il tournait son second film 22 ans plus tôt, un réalisateur voit disparaitre sans laisser de traces son acteur principal, laissant le tournage à jamais inachevé, et un traumatisme qui reste présent parmi ceux qui l'ont connu. Une émission de téléréalité propose de revenir sur ce curieux fait divers, en faisant intervenir le réalisateur sur le plateau, qui était également un grand ami de cet acteur. De retour à Madrid, il va replonger sur ce passé et rencontrer des personnes qui le connaissaient afin de savoir si il est réellement mort ou non.
Quatre films depuis 1973 : Victor Erice se fait très rare sur les écrans, et Fermer les yeux, qu'on pourrait voir comme une sorte d'épitaphe, pourrait être une conclusion magnifique. Car, en plus de proposer un récit sur l'oubli, il parle aussi avec l’œuvre de Erice ; aussi bien avec son premier film, L'esprit de la ruche, où on retrouve Ana Torrent cinquante ans plus tard dans le rôle de la fille du disparu, que dans les rushes d'un tournage jamais terminé dans les années 1990, El Embrujo de Shangai, dont on voit des extraits en ouverture et conclusion, où le souvenir de cet acteur, joué par José Coronado, reste prégnant.
Bien que le rythme soit assez posé, il y a un travail sur le montage assez impressionnant, de sorte qu'il soit d'une grande fluidité et que les 2H40 passent à toute vitesse. Je ne préfère pas parler de la deuxième partie, mais l'enquête de ce réalisateur joué par Manolo Solo convoque à la fois ses propres souvenirs et ceux de cet homme disparu mais qui occupe une grande place dans sa vie. De sorte que toute cette fin, qui fait d'ailleurs penser à Douleur et gloire de Pedro Almodovar, résonne comme la plus belle évocation du cinéma, à savoir rappeler les fantômes de l'oubli.
Le film baigne dans une grande mélancolie, qui est plus forte dans cette seconde partie, avec un ciel constamment maussade, mais le voyage en vaut clairement la peine. Malgré ses seulement quatre films au compteur (où on peut rajouter des participations à des films à sketches ou des courts-métrages), Victor Erice fait preuve d'une maitrise impressionnante devant la caméra avec des acteurs qu'on sent investis dans leurs rôles. Assurément l’œuvre d'un grand maitre, et le dont le titre se justifie pleinement.