On aimerait que ça n'arrive qu'aux autres!
"On va pas faire Festen" est une réplique tirée d'une comédie française très douteuse quant à son niveau intellectuel, mais qui pourtant, cite Festen!
C'est dire l'impact de ce film, ou plutôt de ce chef d’œuvre.
Film acclamé à Cannes, Festen est un chef d'œuvre du cinéma d'auteur, et du cinéma tout court.
Tout allait bien, jusqu'à ce qu'un fauve arrive et tue tout le monde. Le film de Vinterberg fonctionne à peu près sur le même principe: un repas de famille tout ce qu'il y a de plus normal et banal, avec sa bonne dose d'ennui. Quand survient l'élément perturbateur: le discours révélateur de Christian le fils-fils chéri à son papa et sa maman. Fils chéri ah oui, mais pas trop finalement. Parce que le fils chéri balance sacrément, et balance même (passez moi l'expression) du bien lourd!
A ce moment, la comparaison avec le fauve prend tout son sens: Christian a trouvé sa proie, ne la lâche pas des yeux, prêt à fondre sur elle pour lui porter le coup de grâce. Autour, toute la gentille famille hypocrite reste scotchée, suspendue à ses lèvres, prête à s'enfuir au premier signe d'énervement de la bête! (Que faire d'autre?)
Côté technique cinématographique, Vinterberg aime filmer les visages de ses personnages, donner un sens à la moindre expression du visage de quelqu’un, c'est ce qui fait de ce film un film réel, proche des personnes qu'il met en scène. Autrement dit, nous sommes aux premières loges!
Cette intimité créée entre le spectateur et l'acteur a quelque chose de déroutant, surtout quand les personnages sont mis à nus, que l'on apprend leur véritable identité. Ah oui parce que Festen est avant tout un film dérangeant.
Vinterberg joue là-dessus: la vérité qui dérange, le lourd secret de famille sur lequel tout le monde ferme les yeux car nos sociétés modernes ont progressivement sur énormément de choses, mais pas sur l'inceste.
Ah oui, l'inceste ça reste tabou, partout!
Revenons à la technique: Vinterberg joue avec les lieux, les différentes chambres, tantôt froides, tantôt chaleureuses, chacune en accord avec le personnage qui l'habite, les lumières sont également un élément important dans sa mise en scène. Rien n'est laissé au hasard, tout est pensé pour donner du caractère, et surtout, un sens différent à chaque séquence.
Ce drame psychologique met en scène une famille bourgeoise danoise, très fermée, qui n'hésite pas à chanter des chansons racistes en présence du petit ami africain d'une des filles de Helge. Cette famille n'est pas heureuse, et sa chute n'en est que plus croustillante. Le doute qui s'installe dans l'esprit de chacun, les conflits qui se créent: la destruction de cette famille est horrible, et la façon de filmer la rend encore plus horrible.
"On espère toujours que ça n'arrive qu'aux autres" dit l'un des personnages à un moment du film. On le comprend: cette famille d'aristocrate n'aime pas se sentir vulnérable, et pourtant, le malheur et les lourds secrets de famille sont à portée de tout le monde.
Festen commence à dater, mais reste un film incroyablement dur et poignant, un film dérangeant et mystérieux, qui montre que les secrets sont toujours mieux dehors que dedans (ou pas)!
Magnifique et pétrifiant!