Vae victis, « Malheur aux vaincus ». Fin 1944, sur une île des Philippines encerclée par des flots de dévastations, le soldat malade, meurtri, erre dans une jungle de désolations. Tamura (Eiji Funakoshi) avec son air hagard, la démarche mécanique, halluciné même, transpose l’épuisement, la résignation la plus infinie, la folie. Vidé de sa substance, le japonais se cramponne à ses derniers instincts de survie. L’humanité a quitté depuis bien longtemps déjà cette contrée infestée de tous les maux laissés par le cataclysme. Dans un ultime sursaut d’obstination, Tamura rencontre sur sa route les pires atrocités jusqu’à l’inévitable fin, et plus encore : les confins d’une Humanité en crise.
Ichikawa, par une austérité implacable, un noir et blanc superbe et un récit post-champs de bataille brutalement réaliste –et fataliste, confère à son œuvre une authenticité rare, traduisant une souffrance et un désarroi ultimes. Nobi (« Les Feux dans la Plaine ») s’inscrit dans une veine d’âpreté, très noire, témoignant une volonté puissante et viscérale du réalisateur de dénoncer la ruine d’un monde, et des êtres qui le composent, après le passage de la Guerre. Un seul mot, lointain souvenir coppolien, résonne en écho dans mon esprit au sortir de la séance de Nobi : Horreur … Horreur.