Je suis issu d'une génération qui ne porte pas beaucoup d'attention au cinéma d'auteur français. On préfère ne regarder que des blockbusters américains sosies ou des animés. En même temps, comment leurs jeter la pierre ? Chaque année, sur des cinquantaines de films nationaux sortis, y'en a toujours que deux-trois qui sortent du lot. La faute à des mises en scène sans énergie ni motivation, des scénarios qui font rarement dans la dentelle niveau dramaturgie, ou encore des acteurs si académiques qu'on les dirait tout droit sortis de leurs cours Simon. Au final, ces films n'ont rien de palpitant à raconter, rien à dire tout court. Ça devient de plus en plus dur de les regarder jusqu'au bout sans s'endormir. En plus, la presse en rajoute une couche, veut nous inciter à penser que ce sont les personnes de bon goût et très cultivées qui apprécient ce genre de film. Forcément, les réalisateurs sans imagination peuvent raconter ce qu'ils veulent, ils peuvent même raconter la vie d'une tasse de café: tant qu'il y aura l'étiquette "Art et Essai", ils sont couverts par plein de bourgeois bien-pensants, qui ne demandent qu'une chose: ne pas être dérangés. Voilà, brave public, avale mon Néant aux allures d'Infini. Putain, la honte. C'est pas ça qui m'énerve le plus: c'est la sale réputation que ça a fini par nous faire. Nous avons crée le cinéma. Nous avons eu Truffaut et Godard. Nous sommes le pays du Festival de Cannes. Et pourtant, nous n'imposons aucun réel respect, à cause de la qualité trop aléatoire de ces films sois-disant d'auteur. On passe plus pour des types chiants qu'autre chose (faut dire que notre humour s'importe pas trop, mais quand même !).
Heureusement, il y auras toujours des exceptions. D'ailleurs, pour ma part, si il y a Vincent Lindon dans le casting, je suis déjà rassuré. Pourtant, pour mon film français préféré de l'an 2014, il n'y figure pas: "Fidelio, l'odyssée d'Alice" est pour moi un vrai chef d’œuvre qui rappelle la grandeur que peut avoir le cinéma Hexagonal. Parce qu'il a cet ingrédient si précieux, qui devient de plus en plus rare, mais qu'on se délecte à contempler constamment dans ce long-métrage: l'audace. Il transpire à chaque plan. Y'auras pas de regards censés en dire long, par contre il y auras l'érotisme utilisé comme un remède à la solitude et une nécessité pour "survivre" en mer. Cette dernière qui devient une immense métaphore sur l'âme humaine. Un film féministe ? J'en suis persuadé. Cette héroïne est une des meilleures qui me fut donner de voir: énigmatique, passionnante, c'est incontestablement elle la maitresse du navire qui nous emporte dans l'histoire. Les personnages secondaires, tous masculins, paraissent même comme des satellites autour d'elle, tous attirés par sa beauté et tous finissant par s'y bruler les anneaux (mais ils en redemandent !). L'histoire elle-même est simple, certes, mais captivante. C'est une véritable odyssée, pleine de doutes et d'incertitudes, au plein cœur de l’imprévisibilité de la race humaine. Peut-on aimer sans retour ? Peut-on rester fidèle quand l'occasion et les conditions sont idéales pour que la terre ferme ne soit jamais au courant ? Et surtout, nous, qu'aurions-nous fait à leur place ? La seule chose auquel Alice reste fidèle, c'est la mer. Lucie Borleteau (une réalisatrice que je suivrai désormais) a incontestablement sa patte, sans froufrous, dans la crasse, et en même temps très élégante et poétique. Le milieu ouvrier marin est impeccablement retranscrit, parfaitement crédible.
Alors, je vous invite à vous laisser vous embarquer dans ce grand navire dont la destination ne peut être prédite. Nagez en lui. Laissez-vous vous enivrer. Vous pourrez ainsi voir que le cinoche français, même quand il a pas les moyens d'un Hollywood de mes deux, il en a dans le pantalon.