Fin de concession par Hypergerme
Ce film n'est pas, comme tous les résumés le prétendent, un (nouveau) documentaire sur la connivence entre les puissants médias (et les puissants à la tête de ces médias) et les puissants politiques. Non, c'est un film sur Pierre Carles..
Et Pierre Carles se sent supérieur, de part sa prétendue (et relative) intégrité lorsqu'il se compare à ses "collègues" corrompus par le pouvoir. Mais Pierre Carles, plus qu'il ne s'aime, il n'a pas vraiment digéré le fait d'avoir été évincé du réseau audiovisuel il y a maintenant 20 ans, à cause de ses idées et de la manière dont il les exprime dans son travail et, tout comme ses "potes", de ne pas avoir pu être corrompu par le pouvoir. En somme, s'il pense qu'il est intègre, c'est car il l'a pu.
Et moi, je dois l'avouer, j'aime bien Pierre. Trublion, agitateur, énervant, iconoclaste et hors-norme dans la construction de ses documentaires. Son œuvre et ses méthodes sont contestables, ses idées aussi, même si j'en partage quelques unes (celle sur le travail notamment), mais c'est un bon personnage, entouré par des amis fascinants (le Monde Diplo, et les, R.I.P., professeur Choron et Pierre Master Bourdieu). Ainsi, ce film permet de voir différemment quasiment toute la partie de son œuvre qui critique le paysage médiatique français ("Juppé Forcément" mis à part). Il permet de la voir comme une vengeance mesquine de sa part envers ses ex-collègues et supérieurs. "De Pas vu, pas pris" à "Enfin Pris" (où il commence à être lucide sur le but de ses travaux). En plus de servir plus ou moins de documentaire à la réalisation de ses autres œuvres, avec faisant une sorte de "film sur le film" dans le film (je pense au sorti plus récemment, mais que j'ai vu juste avant Fin de Concession, "DSK, Hollande et les autres..."), notamment pour les parties interview. On voit dans ce film un Pierre Carles qui en a fini avec le doute et qui sait très bien qu'il bosse maintenant, pas pour révéler au grand jour des info sur une nébuleuse politico-éco-médiatique (si on a vu "Les Nouveaux Chiens De Garde", "Pas Vu Pas Pris" et "Juppé Forcément", si on lit un peu d'écrits universitaires sur le sujet et si on arrive à porter un regard critique sur les médias qu'on consomme, on sait déjà tout ça), mais bien pour faire chier ceux -et leur paires- qui ont empêché sa carrière de décoller.
Il ne doute plus, mais on voit aussi dans ce film un Pierre Carles vieillir, être moins incisif qu'avant, se laisser plus facilement manipuler par les gens qu'il interview, devenir moins malin dans la manière de les piéger (et se faire critiquer pour cela par ses collaborateurs, c'est assez franc de sa part d'ailleurs de laisser ces séquences dans le film) et, pour pallier à ceci, mais garder néanmoins son statut de trublion, passer à des actions plus musclées mais moins réfléchies.
Et ça, c'est touchant.
Franc, auto-critique, un peu drôle et surtout touchant !