Quand Gilliam rentre dans le moule mais sort de ses gonds

Il était évident qu'un grand réalisateur incubait sous couvert des Monty Python, mais j'ai longtemps cru que c'était avec Brazil qu'il s'était vraiment lâché. Il fallait en fait attendre son arrivée dans un cinéma pleinement américain pour qu'il fût révélé sous un nouveau jour – et accessoirement qu'il cesse de vouloir concilier ses délires graphiques aux jeux de rythme.


On sent qu'il se retient de fantaisies en s'élançant dans ce scénario assez familier se donnant pour objectif de toucher au maximum de liens entre les personnages. Mais en 2014, lors de mon premier visionnage, j'avais décroché assez vite à cause d'une sorte de retour à des sources dont j'ignorais alors l'existence.


Car Robin Williams n'est pas qu'un homme traumatisé qui devient le fou attachant pour lequel on connaît Le Roi Pêcheur : il est l'avatar de l'imagination de Gilliam, sa créativité presque diabolique perchée sur son épaule pendant qu'il tourne, enfermée dans un rôle psychologiquement profond convenant parfaitement au comédien. D'abord modeste et assez matérialiste dans son déroulé, Le Roi Pêcheur dévoile vite l'intérêt qu'il avait à exploiter des filons faciles, car pour le dire simplement : il va plus loin. Beaucoup plus loin.


On ne garde pas longtemps l'impression qu'il s'agissait surtout de multiplier les interactions, car elles sont soignées : la pitié, l'affection, l'amitié, l'affliction, l'amour, tout a sa place et fait l'objet de parties parfois très complètes où l'on prend le temps de temporiser, de faire semblant de passer à la suite pour finalement revenir en arrière et montrer à quoi servait quelque allusion mise en place longtemps avant. Gilliam fait toujours un pas de plus par rapport à ce qu'on attend de lui.


Assez abordable, le film explore sans faire semblant l'épais cauchemar de la dépression et la solidité d'une relation, tout en faisant éprouver à ces thèmes la force d'un attachement très humain donnant lieu à plusieurs beaux moments, à des débordements géniaux dans des genres apparemment hors-sujet, et au retour pertinent des atouts du réalisateur en matière de graphisme. Il faut, comme Gilliam et à l'inverse de moi à 16 ans, savoir voir plus loin que le bout de son nez afin de profiter de ce récit aussi exhaustif sur quelques semaines que joliment allusif sur le temps qu'il élide.


Quantième Art

EowynCwper
8
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le 8 sept. 2020

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Eowyn Cwper

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