Un paysage rural et hivernal, un ciel gris, des figures populaires aussi vraies que nature parce qu'elle sont celles de comédiens improvisés, des personnages taciturnes et comme accablés: Bruno Dumont impose d'emblée son décor et son contexte social récurrents, sa marque de fabrique, exprimant l'ennui et le marasme sur Terre, l'existence immuable. Récurrent aussi ce coït masculin, bref et désespéré, dans les bras d'une jeune femme bienveillante, comme un exutoire dérisoire à la vacuité et à la mélancolie. Le formalisme de Dumont est une nouvelle fois fascinant en même temps que rébarbatif, parfois, par sa lenteur et ses silences étirés.
Le jeune paysan Demester attend de partir à la guerre, une guerre quelconque, sans nom. Le changement de décor est radical: dans un bled désertique et lumineux, une poignée d'hommes combat dans une simili-guerre, condensé dépouillé et évident de la guerre d'Algérie. Comme dans tout conflit de cet ordre, on tue des enfants, on viole des femmes, on torture ou on se fait torturer, on est lâche pour sauver sa peau. Ces scènes d'une guerre intemporelle et irréaliste -hors des séquences authentiquement violentes et cruelles- alternent avec des retours au pays, où des jeunes filles patientent, attendant hypothétiquement le retour de leurs hommes.
Sur le fond comme sur la forme, "Flandres n'atteint pas cependant l'intérêt et la force dramatique du premier film de Dumont "La vie de Jésus", une chronique singulière et nouvelle, ancrée dans une réalité sociale tangible et crue, au contraire de "Flandres", au sujet plus abstrait, imagé et étriqué.