Dans le Japon des années 50, les jeunes filles se marient :
- comme hier, sur la base de mariages arrangés
- comme aujourd'hui, sur la base d'une union amoureuse.
Aussi, comme souvent, Yasujirō Ozu confronte le Japon traditionnel à celui moderne sous de multiples aspects :
- le mariage, donc
- les générations (des parents, en particulier les pères qui se heurtent à leurs enfants, en particulier leurs filles)
- les villes (Tokyo l'ambitieuse contre Kyoto siège du Japon médiéval)
- les habitations (immeubles de bureaux du XXème siècle contre intérieurs traditionnels des habitations),
- les musiques (jazz contre kigaku),
- les vêtements (costume cravate contre kimono).
Le sujet est donc plus que jamais explicite.
Mais "Fleurs d'Equinoxe" est aussi une oeuvre subtile aux multiples facettes :
une tragédie
La confrontation - entre une fille espérant un mariage d'amour et son père - donne un ton plus dramatique que d'habitude par rapport aux autres films du réalisateur japonais. Les tiraillements du père sont donc aussi ceux du Japon espérant des évolutions modernes pour un monde meilleur mais également attaché - emprisonné - par les us et coutumes dépassés mais rassurantes.
Même s'il y a des scènes plus légères - les scènes d'alliance des jeunes filles et juste après des des mères ; les quiproquo dans un bar entre un employé et son patron... - le film est donc un des plus graves du réalisateur.
Ses derniers films adopteront des teintes autrement plus légères voire comiques.
une oeuvre picturale
Que ce soit dans les scènes d'intérieur qui servent de "virgules cinématographiques" ou dans les scènes d'extérieur (plus présente que dans les autres oeuvres), le cinéma d'Ozu porte toutes les caractéristiques de la peinture :
- plans fixes avec perspectives,
- agencement des couleurs (il est d'ailleurs son 1er film qui n'est pas en noir et blanc),
- tableaux dignes de l'hyperréalisme...
de la mélancolie à l'état pur
Le sujet s'y prête évidemment mais cette atmosphère est portée plus que d'habitude par :
- la musique lancinante et omniprésente,
- les dialogues qui prennent le temps de raconter anecdotes d'un autre temps (que les moins de 20 ans...).
En fin de compte, le film est un des plus intimistes de Yasujirō Ozu.
En se centrant sur le père (Shin Saburi) qui cherchent à se "dépatouiller" des amours de 3 jeunes femmes (sa fille et celles d'amis), il met en scène avec une fragile subtilité :
- ses hésitations,
- ses incohérences,
- ses émotions.
A peu de choses près, ce qui pourrait arriver à n'importe quel père lorsque sa fille ainée risque de le quitter pour un autre homme ^^
PS : comme souvent, Ozu livre un message lors d'une des dernières scènes du film. Le chant final est donc aussi une autre morale délivrée en filigrane : la fin du Japon impérialiste et guerrier...