Folie meurtrière, ou Mon cher assassin si l'on traduit de façon littérale le titre original, est un giallo d'assez bonne facture. C'est à l'aune des codes, des conventions du genre que j'ai envie de le "juger", et de pointer ce qui crée - et c'est ce qui m'a déplu ici - ce climat bizarrement plombant, voire cafardeux.
Déjà, le film est notablement peu érotisant. Cela peut sembler anecdotique, mais la fusion primaire - fondamentale ! - du giallo, est je crois celle du meurtre et de l'appétit sexuel, celle désormais proverbiale d'Eros et de Thanatos. Mais ici, tout mène à un sordide meurtre d'enfant : une petite fille, dont seuls nous restent les dessins... On débande ! Et le film explore significativement peu les domaines de la chair - en tout cas, de la chair vivante, libidinale. "Une enfant qui meurt, c'est une des plus pures lumières du monde qui s'éteint" rappelle l'inspecteur vers la fin de l'enquête. Aussi, chose rare dans le giallo, on montre le deuil de la compagne d'une des victimes (reconnaissance à la morgue, puis moments de solitude et de tristesse), là où ordinairement le cadavre n'existe plus et n'a plus d'impact, n'est plus qu'un chiffre au-delà du moment spectaculaire du meurtre. L'atmosphère du film est donc grave, endolorie, endeuillée. L'intrigue policière prend le dessus, même dans la vie de l'inspecteur joué par George Hilton : sa vie de couple est quasi au point mort, et il semble se consacrer uniquement à l'enquête. Enfin, comment ne pas noter que le personnage qui enquête est justement un enquêteur, un professionnel de la profession, quand le giallo préfère habituellement des personnages amateurs, contraints de s'improviser détectives. Dans Folie meurtrière, ça ne rigole plus - en quelque sorte (et même si la police reste globalement dépeinte comme un repaire d'imbéciles).
Le whodunit est bien mené, et assez riche, mais finit par s'essouffler tant le film est monolithique dans sa façon de se déployer. Dans ce giallo, le jaune qui domine, c'est le jaune pâle de la trame, du scénario policier, qui ici s'approche de la machination et des histoires de petits sous.
Une enfant morte pour un drame d'adultes.
Une des vraies qualités du film, en revanche, c'est la cruauté et l'inventivité des scènes de meurtre. Le meurtre inaugural à l'excavatrice, très étonnant, ou bien le très cru et intolérable meurtre de l'institutrice à la scie circulaire. Le jaune pâle de l'intrigue se mouchète alors de rouge vif ! Rien que les armes utilisées, leur sophistication inouïe, inscrivent le film dans un monde adulte, un monde compliqué, un monde où la seule issue semble être le suicide, ou la résignation abattue. Vision pessimiste. On retrouve ici la veine misanthropique d'un Bava ou d'un Fulci.
Où, chez qui se loge le mal ? On se rassurera d'abord en pensant que les belles séquences en caméra subjective viennent épouser le point de vue du tueur (même si c'est bien à nous, spectateurs, qu'elles le font épouser, ce point de vue...), mais le miroir tendu à la face de tous les suspects par l'inspecteur lors de la scène finale, où les personnages soutiennent difficilement la vue de leur propre reflet, achève de nous convaincre d'une chose : l'homme n'est pas beau à voir.