L’erreur principale de ‘Foxcatcher’ tient à sa situation d’énonciation. Le récit repose sur les relations ambiguës entre 3 personnages, et on aurait pu envisager de traiter le sujet soit de manière globale en s’intéressant équitablement à chaque personange, soit en se focalisant sur le point de vue de l’un d’entre eux. Le réalisateur Bennett Miller choisit quant à lui de s’intéresser au personnage de Mark Schultz, mais ne s’y tiendra malheureusement pas jusqu'au bout. Au fur et à mesure du récit, le personnage principal est écarté des enjeux du film, et l’intérêt se reporte sur John du Pont. Non seulement le procédé est particulièrement perturbant pour le spectateur, mais on peut se demander pourquoi le récit n’est pas centré sur John du Pont dès le départ, puisqu’il s’agit clairement du personnage le plus intéressant.
En conséquence directe de ce choix mal avisée, la progression psychologique des personnages souffre d’un traitement très opaque et joue surtout sur la suggestion. Du coup, entre les ellipses et les non-dits, on a du mal à comprendre l’amitié sordide qui lie John et Mark, on ne comprend pas bien pourquoi John du Pont engage Dave Schultz sur un coup de tête, ni les motivations de plus en plus obscures de chacun dans la dernière demi-heure. En particulier, la chute révèle le manque de clarté du film quant à la relation entre Dave et John.
C’est particulièrement dommage, car le sujet avait largement de quoi passionner. Les motivations d’un riche homme solitaire dans son rôle de mécène sportif et et ses rapports sociaux biaisés avec ses athlètes auraient pu produire un drame pertinent.
Au niveau de la réalisation, on retrouve une mise en scène un peu académique avec des plans figés et austères, qui plonge le film dans une certaine torpeur. Heureusement, la photographie est vraiment jolie et certains plans sont très réussis (la séquence de lutte entre les deux frères en introduction). En outre, les acteurs sont très bons. D’ailleurs, ce n’est pas tellement Channing Tatum ni Steve Carell qui forcent le respect, mais plutôt la prestation de Mark Ruffalo en grand frère protecteur.
Par malheur très opaque.