Bernard Rose, Bernard Rose, Bernard Rose, Bernard Rose, Bernard Rose. Ce nom, répété cinq fois derrière une quelconque caméra, projette sur le devant de la scène celui qui reste pour beaucoup l’auteur d’un seul film. Et quel film : Candyman, le plus beau métrage d’horreur urbain des 90’s dans lequel l’hypnotique boogeyman éventre et égorge de son crochet les audacieux qui osent prononcer son pseudonyme devant un miroir. Un personnage armé d’une mythologie certaine que d’autres ont échoué à développer dans deux séquelles assez anecdotiques. Rose s’attaque à un autre mythe, d’autant plus légendaire qu’il a posé les bases du genre, en adaptant à sa propre sauce Frankenstein ou le Prométhée moderne, le roman de Mary Shelley. A sa sauce, mais pas n’importe laquelle puisque le cinéaste a dévoré tardivement le bouquin et s’éloigne volontairement des versions de James Whale et consorts pour livrer sa vision de la légende.
Exit la créature assemblée de bouts de membres récoltés dans un cimetière : le "monstre" n’est ni plus ni moins qu’un être entièrement conçu en laboratoire par un couple de scientifiques, les bien-nommés Frankenstein. La naissance de la créature (son premier souffle) donne le coup d’envoi de cette œuvre naturaliste qui colle aux immenses arpions de la bête au sein du monde contemporain. Un monde désenchanté qui crée l’exclusion et rejette ce qu’il a enfanté : ainsi, les géniteurs de la créature la renient sitôt que celle-ci montre quelque malfaçon, qu’elle ne correspond plus à la vision qu’ils avaient de leur chef-d’œuvre. S’ensuit la fuite et la découverte d’une société inapte à l’émotion qui considère l’étrangeté comme une monstruosité qu’il convient de nier (la première rencontre avec la police), cacher (sa chute dans les bas-fonds) voire de détruire (la prise en main du problème pas les policiers). L’intérêt de la bande est que cette descente aux enfers est uniquement vécue du point de vue du "monstre", la caméra s’infiltrant dans toutes ces découvertes (de celle de l’air via la naissance à celle de sa destruction) même les plus intimes (la scène de la prostituée évoque Castle Freak, notamment).
Extrêmement soignée, la pellicule pèche cependant à de nombreux endroits par un sérieux manque de cohérence dans la construction du récit et opte pour une narration toute en paradoxe (la voix-off est celle de la créature quand elle se montre incapable de construire une phrase correcte à un niveau intradiégétique). Un manque de rigueur qui nuit à cette modernisation déjà déstabilisante. Pourtant, le contrepied était ingénieux et la mise en scène plutôt maîtrisée.
Cette critique est publiée sur le site Cinemafantastique