C'est un film très improbable tourné en 1932, en pleine campagne électorale houleuse, et au moments où les Etats-Unis étaient quand même dans une belle merde intérieure...

Le film étant un peu trop pro-Roosevelt pour louis B.Mayer, le film ne sortira qu'un an plus tard, après l'élection de ce dernier. Il raconte comment un président fraîchement élu, à la solde de son parti et parfaitement médiocre, se transforme lorsque L'Archange Gabriel vient le visiter à la Maison Blanche. Vous savez bien, le bonhomme avec des ailes qui dans l'Ancien Testament visitait Daniel pour lui annoncer la fin du royaume d'iniquité et la venue d'un temps nouveau... Ben là, c'est pareil.

Du coup notre président est transformé et il décide d'être l'homme providentiel capable de relever son pays. pour cela, il bafoue à peu près toutes les règles du droit et de la justice, lance une milice privée avec tanks et uniformes douteux, fait passer les mafieux en conseil de guerre et au peloton d'exécution, utilise le chantage à l'échelle planétaire pour récupérer les prêts aux européens, étatise des débits de boisson en pleine prohibition et devient tellement cul serré qu'il arrête même de coucher avec sa secrétaire vu qu'ils sont pas mariés, vous comprenez...

Il y a un petit quelque chose de touchant cependant dans la description d'un pays aux abois, bouffé par le chômage, la misère, la lâcheté politique, la corruption, le crime organisé et cette satanée paperasse. On sait que des marches immenses de chômeurs affamés existaient à l'époque et le pire défaut du film n'est certes pas de s'intéresser à cet aspect de la société.

En fait, le film a deux défauts majeurs, d'abord (et c'est ce que Capra, avec son génie si particulier comprendra tout de suite), à force d'asséner son discours, le film oublie de raconter en même temps une histoire et c'est un peu embarrassant. Oui, parce que j'aime beaucoup Franchot Tone en chef de ligue fascisante, moi, mais ça ne suffit pas à faire un film. Walter Huston compose un personnage tellement d'une pièce qu'on ne peut pas s'y intéresser réellement, et rien ne ressort vraiment en dehors du très lourd message politique.

Oui, parce que c'est là le deuxième défaut, non seulement, le film se résume assez vite à un tract, mais en plus ses idées utopiques sont tout de même d'une rare stupidité, reprenant avec un simplisme digne des plus abrutis gauchistes d'aujourd'hui de prétendues solutions miracles camouflées derrière l'apparence du bon sens.

La fable atteint à la fois son sommet et ses limites dans un final international qui se résume à voir un président Américain prêt à renier sa parole sans vergogne, parce que vous savez, ce sont eux qui ont commencé, ils veulent pas lui payer leurs dettes ! Et en même temps, une certaine justesse prévisionnelle.

Au demeurant, entre les maladresses gênantes et le métier de La Cava qui aurait tout de même pu se souvenir que ce qu'il fait de mieux est ailleurs, j'hésite beaucoup. La bonne foi visible ne justifie pas autant de bêtises, non, impossible. Mais le film garde un petit quelque chose d'émouvant et d'assez étrange qui fait presque passer la pilule.

Par contre, ne croyez pas les doux illuminés qui vous disent que c'est un chef d'oeuvre, c'est au mieux une curiosité sympathique et au pire un très douteux pensum populiste.
Torpenn
6

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le 1 août 2012

Modifiée

le 1 août 2012

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