Pour moi, c'est LE biopic de référence. Comme la biographie de Verlant. Quand je vous disais qu'au final, Gainsbourg est un chanceux...
Sfar rend le plus beau des hommages à un homme fascinant, qui aura réussi l'exploit d'être un peu de Tout à lui tout seul. Et c'est surligné sur chaque scène du film. Chaque dialogue a un double sens, sur l'histoire et sur sa personnalité même, et d'autres qui seront carrément prophétiques ou ironiques vis-à-vis de ses contradictions. Le film nous offre le privilège de croire qu'on connait personnellement Gainsbourg. Mais ce que j'aime le plus dans le scénario, c'est l'omniprésence de la poésie. Sfar se concentre sur les interprétations un peu trop romanesques du chanteur par rapport à sa propre vie pour en tirer un véritable conte aux multiples rebondissements. Il joue avec la légende pour rendre la réalité beaucoup plus rêveuse. Les atmosphères d'ailleurs semblent être des rêves. La Gueule est une idée sublime. Alors certes, le film a des scènes qui manquent cruellement (le billet de 500 Francs, par exemple, où il aurait pu faire quelque chose de très beau), s'attarde trop sur des scènes (l'enregistrement de "la Marseillaise") ou n'insiste pas sur la période Gainsbarre (quoique je pense que c'est une volonté personnelle de l'auteur), mais le scénario est tellement attachant qu'on en oublie les écarts. Comme on l'a tant fait pour Gainsbourg. La réalisation fait un parfait mariage avec son histoire, pour un premier long métrage c'est épatant ! Sfar a une imagination visuelle évidente. Les exemples se comptent en masse, rien que pour l'affiche, mais je retiens particulièrement sa retranscription de la solitude de l'artiste, avachi sur son fauteuil, avec en face la photo géante de Bardot et le piano qui joue tout seul "Initials BB"... Tout ça rend beaucoup de scènes inoubliables, le tout d'une beauté renversante.
Le casting, rien à dire. Elmosnino, sauf pour la période Gainsbarre où je trouve qu'il ne lui ressemble pas beaucoup, est transcendé par son personnage, mythique mais bien réel. Gordon, auquel le film est dédié, ne ressemble pas à Birkin mais a l'essentiel, ce qui correspond à un biopic aussi fantasmagorique que romantique: la sensibilité. Casta en Bardot par contre, c'est l'évidence, et c'est la femme la mieux éclairée du film. Enfin, même si le rôle de Bambou est très réduit dans le film, l'actrice arrive quand même à faire passer rapidement l'émotion. Le gamin jouant le chanteur enfant a incontestablement un Truc, et même Chabrol, qui décédas quelques mois plus tard, impose pour sa figuration.
Pour finir, la BO du film, très long, est elle aussi totalement atypique. Mais je pense que c'est ce qu'il faut faire pour un biopic pareil.
Pour tout fan de Gainsbourg, c'est incontournable. Mais même pour ceux qui ne l'apprécie pas... je pense qu'ils arriveront à mieux comprendre l'homme, ses pensées, ses angoisses, et peut-être voudront-ils le redécouvrir ? En tout cas, c'est l'envie que redonne Sfar, et c'est le meilleur cadeau qu'il pouvait offrir à Serge. Il signe là une référence. Dès son premier long métrage, c'est un vrai tour de force.