Je vous prescris 1h40 de Gemma Bovery.
Connaissez-vous Auberville-la-manuel ? Le petit village dans le pays de Caux, entre St Valéry et Fécamp.
Ok. Personne ne connaît ce minuscule patelin où ma mère tient un gîte rural. Où je vais faire le ménage tous les samedis. Je vais vous dire : le film Gemma Bovery a été tourné à deux pas de mon gîte !
Je me suis réconciliée avec ce trou perdu grâce à ce merveilleux film, Gemma Bovery.
Quel plaisir pour les normands de deviner entre chaque séquences les décors de Veules-les-roses et de Rouen. Et surtout, quel délice de voir jouer Fabrice Luchini ! Il n’a jamais été aussi excellent.
C’est l’histoire d’un parisien grognon qui fuit sa vie surmenée de journaliste en s’installant en Normandie, à la campagne (mes voisins d’Auberville-la-manuel sont des parisiens journalistes). Il reprend la boulangerie paternelle et mène une vie tranquille comblée de références littéraires, comme son roman favori, Mme Bovary de Flaubert.
Et quel ne fut pas son étonnement et son admiration quand un couple d’anglais et une belle rousse nommée Gemma Bovery s’installèrent dans la maison d’en face. Rapidement, le boulanger associa tous les faits et gestes de sa belle voisine au personnage de Flaubert, et tomba dans une admiration profonde.
Ce film n’est pas censé faire rire la foule, mais pourtant ! quel humour. Tout le monde dans la salle de cinéma riait aux éclats, et je n’ai pas pu me retenir. Avec son regard ahuri, Luchini joue à merveille la commère du village, le poète maudit qui fuit les reproches de sa femme dans des pensées nuageuses et érotiques. Terminés les « 10 ans de tranquillité sexuelle » lorsque cette belle Bovery déboule. Elle retourne l’esprit du boulanger, qui plaque sur chaque image une onde de sensualité. Entre quelques cigarettes et fournées de pain, il réécrit le roman de Flaubert avec une touche de contemporanéité, de la dérision et de l’humour décapant.
Ce film est une histoire d’amour qui détourne tous les codes de la comédie romantique banale, une histoire d’amour où il ne se passe rien, où la contemplation fait rage et l’imagination demeure. L’amour des livres, des gens, de la campagne, du pain et de la vie. Le film rend joyeux et léger, il nous renvoie à notre propre manie d’observer les gens et d’imaginer tous les pires scénarios. Il nous renvoie à l’amour que l’on peut ressentir parfois, juste pour un passant dans la rue, qui trouble et interroge. Le film nous amuse sur nos propres fantasmes, nos obsessions toutes aussi délirantes et inutiles. En bref, on s’attache à tous les personnages, avec leurs qualités et leurs défauts, et on dévore avec délice les multiples rebondissements de la fin.