Genèse. Quel mot magnifique. Quel mot magnifique pour donner son nom à un film magnifique. Un chef-d'œuvre.
Guillaume, sous son masque, masque d'exhibition, d'intimidation. Guillaume, fragile, assumant intérieurement sa sexualité mais ne l'exposant pas. Perdu. Noyé dans un torrent. Ce torrent de sentiments, d'incompréhension. Attiré aussi, hypnotisé, par le courant. Courant de la vie, du sang qui fait battre ce cœur qu'il ne comprend pas.
Guillaume, amoureux. Guillaume qui pense être amoureux. Guillaume qui ne sait pas et doute. Guillaume qui erre, pleure, rit, souvent faux. Guillaume triste, incompris et rejeté, accepté pour ce qu'il n'est pas. Nanti, nanti pour avoir osé affirmer ce qu'il est. Certes maladroitement, mais que fait-on des premières fois ?
Charlotte, au charme innocent. Émerveillée, blasée sous les néons rouges. Perdue, aussi. Nue, souvent. Le sexe est un réconfort, un moyen de combler le vide. Mais quel vide ? Elle est sur son vélo, allant de bars en bars, cherchant désespérément dans sa solitude, mais quoi, au juste ? Seule avec du monde autour. Elle parle des requins. De la peur de s'aventurer dans un lac sombre en raison de ce qui pourrait s'y trouver en profondeur. Peur de la profondeur, de l'introspection. Elle préfère vivre à l'aveugle. Elle fait des rencontres, dénuées de charme. Abandonne et se fait abandonner. Valse macabre. Poupée, pantin, viole ses sentiments et ceux des autres ; se fait violer. Elle fait l'amour, expéditive. Elle cherche mais ne trouve pas, est condamnée à errer. Charlotte est belle, mais elle incarne le mal. Lumineuse mais si opaque.
Félix et Béatrice : Genesis. A la genèse de ces genèses. Émois adolescents. Timidité et dos courbé, peur du "je t'aime" qui pourrait tuer. Mains moites qui s'entrelacent. Cœurs qui veulent, corps qui ne suivent pas.
La déclaration d'amour, ténue et tragique. Belle à pleurer dans sa simplicité. Deux mots murmurés, peut-être rêvés.
Les trois ont un lien. Les deux premiers se retrouvent. Leurs histoires s'entrelacent. Ils sont une fresque, tragique.
Guillaume et Alexis. Alexis, cultivé. Peut-être plus jeune mais qui entame une conversation, une relation. Le seul à briser la carapace. Alexis qui demande à Guillaume de dormir avec lui. Ce moment de calme et de tendresse, sans sensualité ni tension perverse. Ce moment de beauté, suspendu. Interrompu par la brutalité masculiniste d'un maton, lui, se masturbant la nuit dans le dortoir, au milieu des lits, de ces âmes innocentes et paisibles, lui-même qui accuse le jeune innocent de viol, de pédophilie. Scène qui marque. Bataille sourde, silence et pleurs. Déchirants. Scène qui brûle et qui révolte. Scène gravée.
Personnages eplorés, qui vivent. Le feu de l'existence les consume. Le poids de la vie les écrase. La force fictive de l'amour, réel ou rêvé, les anéantit. Le fantasme du changement. Personnages explorés. Baiser déposé tragiquement sur ces lèvres sèches, qui ne sont pas dupes. Personnages à terre, pleurant, anéantis.
Esthétique magnifique. Mise en scène époustouflante. Plans séquence étouffants. Plans séquence libérateurs. Zooms révélateurs. Couleurs saturées, musique accompagnant les ralentis. Ces corps qui ralentissent, ces corps dans lesquels les cœurs accélèrent, battent et pompent. Ces moments suspendus durant lesquels les personnages respirent... ou étouffent. Car la beauté est un piège. La beauté est cruelle. L'image est belle, les choses montrées sont cruelles. Œuvre cruelle. Œuvre magistrale.
Béatrice et son amie marchent. L'amie se retourne et sourit. Le sourire le plus beau que j'aie vue de ma vie. Un espoir après tant de fatalité. Espoir fantasmatique.
Tant de superlatifs ne suffisant pas à exprimer mon admiration pour cette œuvre, ce chef-d'œuvre.