Aux frémissements d'amours lycéens saisis à merveille (caresses hasardeuses, regards papillonnants, sourires tremblants et baisers volés - les deux comédiens sont excellents) Shuchi Talati fait naturellement succéder la naissance du désir, les questionnements, les excitations, la curiosité et les évidentes complications qu'il entraîne. Ce parcours d'initiation sexuelle et amoureuse est somme toute classique (pour nous Occidentaux, mais probablement rare pour l'Inde) mais admirablement filmé, avec un sens rare des cadres, du jeu de perspectives et des symboles qui rendent la lecture aisée. Mais il sentirait le déjà vu si ne venait se glisser dans cet engrenage un élément perturbateur ; cette mère, toujours en arrière-plan, invasive, trouble, dont on se questionne sur les intentions.
Se dessine alors un triangle pervers aux côtés contraires ; si l'une redécouvre son pouvoir de séduction au regard du jeune homme convoité par sa fille, à travers laquelle elle revit sa jeunesse, cette dernière tente de se construire en tant qu'adulte diamétralement opposée à sa génitrice, luttant avec acharnement pour éradiquer (en vain) tout ce qui pourrait la ramener à elle.
Ainsi, dans un scénario que n'aurait pas renié François Ozon, la perversité pénètre le cocon familial et dévoile les failles d'une société indienne où tout est permis à l'homme, aussi ostensiblement manipulateur (Sri) ou absent (le père) soit-il, tout puissant qu'il est par le simple fait d'être né. Une société qui n'aura de cesse d'abattre la nature, de nier l'évidence (que les femmes sont des femmes ou plutôt que "les filles seront (inévitablement) des filles"), qui blâme les sentiments.
Et face à laquelle la seule réponse est une touchante, délicate mais ferme sororité familiale salvatrice finale qui ne peut qu'émouvoir.