La dernière cité libre de Numidie s’apprête à tomber sous la férule d’une Rome dominée par les empereurs jumeaux Geta et Caracalla. Un jeune héros au passé trouble, Hanno, voit sa femme mourir d’une flèche ennemie avant d’être capturé et livré comme gladiateur au marchand d’armes Macrinus. Mais Acacius, le général victorieux de Numidie, est fatigué de satisfaire la soif de pouvoir des deux empereurs fous. Lui et sa femme Lucilla, fille du défunt Marc-Aurèle, ont d’autres projets pour Rome…
Gladiator premier du nom m’avait remué jusqu’aux tripes. C’est pour moi une vraie leçon de cinéma, un monument, qui a ressuscité le péplum en le débarrassant de son kitsch et en lui insufflant une nouvelle âme. Malheureusement, à voir la bande-annonce, j’avais peur, très peur que cette « suite » soit dans la lignée de Star Wars IV, Top Gun : Maverick, Alien : Romulus et toutes ces productions que j’appelle des « films par proxy ».
Peur justifiée !
Un film par proxy, ce n’est ni une suite, ni un reboot. On pourrait dire que c’est un pastiche mnémonique. Un film qui réussit à empiler suffisamment de références et de liens avec une œuvre originale pour que le spectateur tisse un lien mental et émotionnel avec celle-ci et la revive par procuration.
Le film par proxy est une double arnaque : d'abord, il se présente comme original, alors que par principe, il ne l'est pas du tout — je dis « par principe » car à l'évidence, c'est fait exprès. Je pense que cette mode est désormais un genre très codifié et que les producteurs et réalisateurs savent très bien ce qu'ils font lorsqu'ils se lancent là-dedans... Deuxième arnaque, le film par proxy prétend être bon, alors qu'en fait, le bon truc que vous revivez via les réminiscences et la nostalgie, c'est l'œuvre originale.
Passons sur les approximations historiques et même géographiques (Scott nous apprend que la banlieue de Rome est aussi désertique que la Numidie !), car au fond, ça n’a jamais été le propos. Dans Gladiator II, absolument chaque scène est un écho au premier Gladiator. Toutes les répliques cultes, quasi tous les topoï filmiques du premier y sont. Ils y sont, mais en moins bien (cf les babouins mutants). Inutile donc de s’appesantir, ni sur ça ni sur le scénario très moyennement crédible ou sur les dialogues répétitifs et peu inspirés. L’atmosphère n’atteint pas un tiers de la profondeur et de la beauté de l’original, malgré des décors bien plus somptueux. Tout cela donne l’impression d’un film jamais creusé, vite expédié… Mais nous l'avons vu, le film par proxy en lui-même n'a pas besoin d'être bon (seul le classique auquel il renvoie doit l'être).
Les seuls personnages originaux sont Macrinus et Hanno. L’idée du conflit personnel entre ses deux « familles » (sa mère/son père et sa femme) et sa relation à Rome sont intéressantes, même si c’est un peu expédié (Lucius passe vite de la haine à la défense héroïque des idéaux de Maximus). Ironie du sort, le plus intéressant dans le film à proxy de Scott, ce sont ses très rares innovations…
Je mettrai donc 5 non pas pour les qualités du long-métrage, auxquelles il faut ajouter une réalisation techniquement très correcte et un côté globalement divertissant, mais par compassion. Car si on prend en compte ce dont le réal est capable et la logique rétro de mauvaises madeleines de Proust cinématographiques dans laquelle il se vautre avec complaisance, il mériterait en réalité largement moins. Mais enfin… Une des leçons du film, c’est de célébrer nos ancêtres dans ce qu’ils ont fait de bien, alors honorons (au moins un peu) ce Gladiator 1.5 comme Lucius honore ses aïeux.