La musique, catalyseur de libertés !

Quel plaisir de se faire encore surprendre au cinéma ! Atteint un certain niveau de cinéphagie, on sait bien trop souvent à quoi s’attendre en allant voir un film. On sait que tel long métrage va nous emballer, que ce film sera moyen ou que tel autre est une petite bouse (mais bon, on y va quand même, des fois qu’il y aurait quelque chose à sauver). Trop rares sont les films qui arrivent à nous surprendre. Gloria! fait partir de cette catégorie : ceux pour lesquels on n’attendait rien, et sur lesquels on aurait sans doute fait l’impasse si on ne nous l’avait pas recommandé.

Gloria! est le premier film de la compositrice touche-à-tout Margherita Vicario. Chanteuse, actrice, la voilà désormais réalisatrice. Et pour un premier coup d’épée, quel film !

Cette fiction prend place au début des années 1800, dans un cloître qui sert de pensionnats à de jeunes femmes orphelines ou abandonnées, dans la région de Venise. Ces jeunes filles apprennent la musique dès le plus jeune âge, et composent l’un des orchestres les plus réputés du coin, dirigé d’une main de fer par le prêtre-compositeur Perlina.

En marge de ces musiciennes évolue Teresa, une orpheline marginale qui sert de domestique, et à qui l’on confie toutes les tâches ingrates. Pour se protéger des méchancetés quotidiennes, la jeune fille s’est murée dans le mutisme.

Ce petit microcosme explose quand le pensionnat reçoit un piano-forte, nouvel instrument qui vient d’être inventé. A la différence du clavecin, le piano est vu comme un instrument vulgaire, et est rapidement caché à la cave du couvent. L’instrument devient bientôt le symbole de l’émancipation des jeunes filles, catalyseur de libertés en même temps qu’objet de convoitises. Les rivalités et petits jeux de pouvoir entre les adolescentes sont ainsi révélés au grand jour.

Outre sa réalisation résolument et délicieusement moderne qui tranche avec le classicisme habituel des films d’époque, Gloria! est une magnifique ode aux actrices.

La jeune Galatea Bellugi qui incarne Teresa est une vraie découverte. Française de naissance, mais aux origines italiennes, l’actrice de 27 ans compte déjà une belle filmographique : rôle secondaire dans Réparer les vivants de Katell Quillévéré en 2016, elle accède aux premiers rôles dès 2018 avec L’Apparition de Xavier Giannoli, et plus récemment aux côtés de Raphaël Quenard et d’Anthony Bajon dans Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand. D’une présence à l’écran qui impressionne et d’une intensité étonnante, Gloria! marque sans nul doute l’un de ses plus grands rôles de jeune actrice.

La réalisatrice Margherita Vicario a également fait un beau travail de casting pour la petite bande de musiciennes, emmenées par Carlotta Gamba, Veronica Lucchesi, Mariavittoria Dallasta et Sara Mafodda. Chacune possède une forte personnalité et incarne un personnage remarquablement écrit. Le petit côté girl-power fait un bien fou ! La figure masculine est quant à elle incarnée par l’acteur Paolo Rossi, qui n’a malheureusement pas connu beaucoup de réussite au cinéma jusque-là.

Enfin, bien sûr, la musique tient ici un rôle à part entière. Elle incarne autant le classicisme désuet de la papauté et de la société patriarcale de l’époque, que la franche modernité – quasi jazzy, parfois gospel – des jeunes pensionnaires.

Gloria! est un film qui rend heureux, qui donne la pêche et qui laisse son spectateur tout enthousiaste, exultant un large sourire aux lèvres. Une très belle réussite italienne, malheureusement un peu passée inaperçue à sa sortie en salle (à peine 80 000 entrées). Que le film intègre mon top 10 de l’année laisse peu de doute ! Et bien sûr, on attend la suite de la carrière de Margherita Vicario avec impatience !