Tout n’est jamais noir ou blanc, exception notable faite de l’Armée confédérée avant que Lincoln n’autorise les régiments noirs. C’est ce nœud historique que vient cueillir Zwick & avec lui les fleurs d’un scénario tout prêt, gloire incluse. Un bouquet qu’il n’hésitera pas à salir néanmoins, & ce n’était pas forcément là un choix facile comme il en résulte que la poésie de certains plans se trouve comprimée par l’ambiance lourde.
Il veut faire un film de guerre & il n’est pas question qu’on ait l’impression de voir autre chose que des combats, comme s’il partait des préjugés qu’il n’y a pas de place pour tout & que le contexte n’importe pas : trop refermé sur sa petite crédibilité, le film est dépourvu d’antécédents & les rapports humains sont censés tenir tout seuls – ce qu’ils s’empressent de ne pas faire dans le cas des rôles désolants de la mère & de l’ami de Shaw.
Shaw, c’est le colonel, héros de la nation & de l’histoire, qui commande le régiment de couleur. C’est aussi Matthew Broderick & je ne comprends pas comment ce gars pouvait être un premier choix pour le rôle. Il est mou. On lui fait jouer un petit colonel, un fils de bonne famille pas trop bête qui se trouve forcé d’apprendre la guerre sur le tas, certes, mais c’est surtout, pendant un bon tiers du film, un petit acteur sur lequel pèse trop la responsabilité de figurer l’incompétence militaire & qui fiche tout par terre dans l’intervalle.
Les dialogues ne l’aident guère. ”Teach them properly”, ”deal with this man” : ”enseignez-leur correctement”, ”occupez-vous de cet homme”, autant de lignes sans punch qui hésitent entre ridiculiser l’inexpérience & garder le minimum de poigne militaire dont le résultat est, au mieux, de transformer le personnage en jouet pour le spectateur. Il faut attendre que les choses se compliquent pour pouvoir apprécier des scènes complexes révélant, au fur & à mesure que Shaw & son acteur se bonifient, qu’il y avait une volonté véritable de faire naître le militaire de sa propre incompétence. Ce que cela révèle surtout, c’est que l’effet est forcé & qu’on avait trop misé sur une guerre de masse dont l’anticipation est fade : même Freeman (a l’inverse de Washington, par contre) voit sa prestation bridée, comme pour confirmer qu’aucun acteur n’avait le droit de faire le film à lui tout seul.
Les combats en eux-mêmes, quoiqu’érigés en matière d’achèvement, sont le point fort. Grâce à une reconstitution à base de volontaires & à une pyrotechnie hors-pair, c’est tout le souffle d’une guerre civile énorme que l’œuvre se met à respirer – un peu tard. De simplement représenter la guerre avec franchise ne la rend pas mémorable pour autant.
→ Quantième Art