Drapeau rouge

Pour résumer simplement, le film est nul pour deux raisons : le scénario est inepte et sans enjeu, en plus de ne pas du tout correspondre à la réalité, voire d'être malhonnête à ce sujet.

Maintenant, je vais me permettre de revenir sur une bonne partie des éléments du scénario (divulgâchage de rigueur).

Le film commence par une géante publicité pour le "simulateur de course le plus fidèle du monde", tant qu'à faire, en parlant de Gran Turismo (ce qui me parait au mieux insolent, au pire tout simplement mensonger). Le film nous montrera assez vite le jeu Gran Turismo 7 sorti il y a un an sur PS5 (ce qui n'a aucun sens puisque Jann Mardenborough a gagné la GT Academy en 2011, et donc sur Gran Turismo 5 sur PS3), où Jann choisira ses éléments de voiture en réalité augmenté pour faire joli à l'écran, mais ça fait juste trailer kitsch de GT7 complètement nul. On n'oubliera pas le petit Walkman Sony pour le placement de produit. Ils vont un peu trop loin dans léchage de cul, c'est assez gênant, et plutôt gratuit.

Et c'est ça qui m'a, en partie, beaucoup gêné, le fait que le film force sur le fait qu'il s'inspire de faits réels, tout en ayant aucun rapport avec la réalité. Et là où c'est d'autant plus gênant, c'est que le personnage principal s'appelle Jann Mardenborough, qui est donc repris du vrai Jann Mardenborough, mais qui n'est pas le vrai quand même (pas très clair), et c'est d'ailleurs le seul personnage dont son nom est repris de la réalité (ainsi que sa famille), ce qui est plutôt étrange. Ah si, il y a aussi le créateur de Gran Turismo : Kazunori Yamauchi, joué par Takehiro Hira, qui fera des moues pendant certaines scènes sans jamais rien dire, un rôle très évocateur.

Le film mettra en scène aussi une fausse rivalité, un certain Nicholas Capa, mais qui apparemment serait repris d'une vraie personne qui ne l'aimait pas quand il roulait dans la même écurie en F3, un certain Nicholas Latifi, le fameux pilote de F1, incroyable n'est-ce pas ? Mais en vrai la rivalité fera vraiment factice, jusqu'au point où il y aura des pétitions "anti-simracers", qui ne semblent n'avoir jamais existées, pour faire genre "mon dieu, on est différents, on nous aime pas", ce qui me semble un peu grossier.

Et en vrai le scénario me fait pas mal penser à Tetris, plutôt que de parler du jeu en lui-même, on parle d'une histoire réelle en rapport avec, avec quelques éléments de dramatisations ajoutés. Mais Tetris avait un scénario qui fonctionnait vraiment bien et n'était pas un mauvais film (aussi étonnant que cela puisse paraitre). J'en discute plus précisément dans ma critique.

Parce que vient aussi le problème de la qualité intrinsèque du film, le scénario est mauvais. Dès le début on est dans un contexte familial, où le pauvre Jann n'est pas pris au sérieux pour sa passion pour le sport auto (alors qu'IRL ses parents lui avaient payé des cours de karting, avant d'arrêter car trop cher, mais ça le film n'en parlera pas). On nous mettra aussi une intrigue amoureuse, qui n'a aucun intérêt, mais on pourra être content qu'elle ne prenne pas trop de place. Mais quelque chose qui m'a particulièrement choqué, c'est le moment où il prend la fuite des flics derrière lui, pour surtout pas louper les qualifs de Gran Turismo, avec l'interface de jeu vidéo qui s'affiche à l'écran pour faire genre qu'il arrive à super bien semer les flics car il est fort aux jeux vidéo. On est limite sur de l'apologie de la délinquance, en rapport avec un jeu vidéo de simulation de course, je trouve ça absolument malvenu et contre-productif par rapport à ce qu'est censé promouvoir ce film.

Après arrive le moment de la qualif, où Jann arrivera à la seconde près, il devra passer de dernier à premier pour gagner la qualif et être choisi pour conduire IRL. Et évidemment, il n'y aura aucun enjeu, il dépassera tout le monde sans aucun problème, jusqu'au dernier sur la ligne. Et ceci se reproduira à quasiment chaque course.

Ensuite ils feront des tests sur de vrais voitures avec les qualifiés... et il n'en restera qu'un !

Et on verra les pilotes rouler, certains rateront un virage pour glisser dans l'herbe, et leur coach, une espèce de Philippe Lucas éco+, fera des réactions exagérés "mon dieu c'était un gros crash, il a cassé la voiture, il est donc viré". Alors que le "crash" n'en est pas un, et faire des erreurs n'est pas une fatalité en soi.

Mais notre Jann fera aussi une erreur, mais blâmera les freins gelés... mais personne ne le croira. Et donc on lui crachera à la gueule, et comme le film est prévisible, en fait on nous apprendra qu'il avait raison. M'enfin bon, tout ça pour arriver à la course finale qui opposera les derniers en lice, qui se jouera ENCORE une fois sur la ligne, où c'est très serré, et on veut corrompre les résultats car, en vrai, Jann, il est pas très parlant durant les interviews.

Ensuite Jann entrera dans de vrais compétitions, où il fera une première course de fou, en remontant tout le monde, mais il crashera à la fin, et donc on lui crashera à la gueule, car franchement, ce nul, il a crash, sans prendre en compte la remontée qu'il a fait... admettons. Après il fera du caca à toutes les courses (qu'on verra à peine, de toute façon on a pas le temps), jusqu'à la dernière, où il est obligé de faire 4ème, sinon il aura pas sa licence FIA :O Qu'il aura évidemment, aucun enjeu. Il fera ensuite son Schumacher en allant harceler un autre pilote, qui a provoqué un crash et qui a failli le blesser.

Il y aura le fameux climax, aux 24h du Mans. On nous y montrera toute la procédure de départ, avec l'armée qui vient amener le drapeau du départ, l'hymne français, et le film prend bien le temps de montrer tout cela, ce que je trouve étonnant dans un film qui va assez (trop) vite, mais ça permet de faire monter la tension avant la course. Il ne s'y passera pas grand chose, seulement durant le dernier tour, où Jann devra rattraper le troisième avec 4 secondes de retard (mais oui bien sûr, et il pouvait pas attaquer avant). Et il gagnera évidemment le podium, sur le dernier virage, encore une fois car on veut toujours ajouter cette tension factice jusqu'à la fin pour faire croire que la course est compliquée, mais jouer une course de 24h sur le dernier tour c'est franchement gonflé. A ajouter que ce fameux dernier virage est une épingle, ce qui n'est pas le cas du tracé des 24h, cela semble être celui du circuit Bugatti (mais non, on me dit dans l'oreillette que ce serait le dernier virage du Hungaroring, invraisemblable). Même le tracé est factice.

Le film contient pas mal d'imprécisions, on ne comprend pas trop dans quelles compétitions il roule (mais c'est normal, car elles n'existent tout simplement pas), ou encore dans quelle catégorie il roule pendant les 24H (pour info il roulait en LMP2, et n'est pas sur le podium du classement général, donc ce n'est pas aussi flamboyant qu'on nous le montre).

Surtout que Lucas Ordóñez, premier vainqueur de la GT Academy, avait déjà fait 2ème en LMP2 en 2011, et refait un podium en 2013 avec... Jann Mardenborough. Il n'a donc pas particulièrement de mérite. D'ailleurs cet Ordóñez n'apparait pas dans le film...

Alors effectivement, il y a des choses qui se sont réellement passées, notamment son crash sur la Nordschleife, où sa voiture décolle et tue un spectateur (surpris de voir que cela s'est effectivement passé)... mais non ce crash date de 2015, soit deux ans après son podium aux 24h. Avoir mis cet événement avant son podium dans le film est malhonnête, en plus d'être dégueulasse pour s'en servir à simuler un rebond factice du pilote.

On nous laissera sur un générique de fin où l'on verra les équipes de Polyphony Digital travailler sur le jeu, ce qui est très sympa, et qui est aussi là pour rappeler d'acheter Gran Turismo 7® sur votre PS5™.

Bref, un film qui possède quelques qualités (difficile à croire), notamment les transitions jeu vidéo / réalité, les effets visuels où sa voiture se déconstruit pièce par pièce (même si ça arrive pour un vieux flashback où il montre qu'il cherche ses propres trajectoires, ouah quel pilote). Mais globalement les courses ne sont pas intéressantes, il faut toujours qu'elles se jouent sur la ligne (et il gagnera à chaque fois), la réalité qui est complètement torturée, mettre en avant ce Jann Mardenborough, et personne d'autre, me semble malhonnête. Le scénario est grossier, les enjeux inexistants, les personnages caricaturaux et antipathiques, même si le casting ne semble pas dégueu, et Archie Madekwe tente d'ajouter de la crédibilité à son personnage, en vain. Ce sera surtout un prétexte pour nous montrer de beaux circuits, et pour vendre Gran Turismo 7.

(Vu le 12 août 2023)

On en parle dans le Ciné-florg #48